Les Britanniques ont une nouvelle obsession (en plus de celle du Brexit). Depuis quelques jours, ils sont obnubilés par la question de savoir si leur prochain Premier ministre a déjà consommé des drogues. Le défilé des prétendants a commencé, la liste des candidats à la succession de Theresa May étant arrêtée depuis lundi 18 heures. L’une des premières questions qui leur est posée est : êtes-vous stone ? Ou l’avez-vous été dans le passé ?
Theresa May n’a jamais, au grand jamais, pris de drogues illégales, a jugé bon de confirmer lundi son porte-parole. Son plus grand acte de rébellion reste d’avoir couru dans un champ de blé. Même pas toute nue. Mais la Première ministre britannique, encore en poste pour quelques semaines dans l’attente de la nomination de son successeur, est désormais conjuguée au passé de la politique britannique. Le présent concerne, lui, une série de candidats dans les starting-blocks. Dont certains, y compris parmi les favoris, ont touché aux drogues dures telle la cocaïne.
Un processus de sélection qui s’apparente aux chaises musicales
Chaque candidat devait être parrainé par huit députés pour entrer dans la course. Ils sont dix à y être parvenus. A partir de jeudi, 330 députés conservateurs voteront pour départager les candidats, dans le cadre d’une série de scrutins. Lors du premier, ils devront recueillir un minimum de seize votes. A chaque «tour», le candidat ayant rassemblé le moins de voix sera éliminé. Le premier résultat devrait être connu jeudi vers 13 heures locales. La situation se corsera au second tour, le 18 juin. Les candidats devront rassembler au moins 32 votes. D’autres scrutins sont prévus les 19 et 20 juin, au moins. Les votes se poursuivront jusqu’à ce que la liste des candidats à la succession de Theresa May soit réduite à deux noms.
Alors, et alors seulement, ces deux noms seront soumis au vote postal des quelque 160 000 membres du Parti conservateur. Ce sont eux et eux seuls qui décideront à bulletin secret du nom du futur Premier ministre de 65 millions de Britanniques. A ce jour, le grand favori est Boris Johnson, l’un des seuls candidats à ne pas avoir paradé lundi sur une scène pour présenter son programme. Il a préféré repousser le lancement de sa campagne à mercredi pour ménager ses effets. Il avait aussi admis dans le passé avoir été exposé à quelques lignes de cocaïne, mais affirmé avoir éternué avant de pouvoir les renifler correctement…
Pour appâter ses soutiens, il a déjà aligné une série de promesses, ou menaces, significatives, adoptant de plus en plus un ton «trumpien». Il a d'abord catégoriquement promis de sortir de l'Union européenne le 31 octobre, avec ou sans accord. Dimanche dans le Sunday Times, il a aussi menacé de ne pas verser à l'UE les 39 milliards de livres (44 milliards d'euros) qui représentent le règlement du divorce avec l'UE. Cette somme a été décidée après de longues discussions entre les négociateurs britanniques et européens. Mais pour Boris Johnson, cet accord n'a semble-t-il pas de valeur, pas plus que la perspective de porter atteinte à la réputation et à la confiance dans son pays. Lundi, dans sa tribune hebdomadaire publiée dans le Daily Telegraph, et rémunérée 275 000 livres (308 000 euros) par an, il a aussi promis des baisses d'impôts significatives pour… les plus gros revenus. Une telle mesure aurait un impact positif pour les retraités les plus aisés qui, sans surprise, représentent le cœur des membres du Parti conservateur.
Sur le Brexit, des suggestions déjà abordées et rejetées
Pour le moment, son plus grand rival semble être Jeremy Hunt, nettement plus modéré que Johnson et a priori en faveur d'un Brexit avec un accord, mais qui avait comparé l'UE à l'union soviétique. Il a reçu un soutien significatif de plusieurs ministres, dont celui de la Défense Penny Mordaunt, et de la centriste et ministre aux Retraites, Amber Ruud. Les chances de Michael Gove, qui semblait bien placé pour affronter Boris Johnson, ont diminué après qu'il a admis avoir sniffé à plusieurs reprises de la cocaïne lorsqu'il avait 30 ans. C'est lui qui, en juin 2016, avait annihilé les chances de Boris Johnson de succéder à David Cameron, en lui retirant son soutien à la dernière minute.
Les autres candidats, dont Dominic Raab, ancien ministre au Brexit, Matt Hancock, jeune ministre de la Santé, ou Andrea Leadsom, ancienne cheffe du Parti conservateur au parlement, ne semblent pas pouvoir rivaliser avec les premiers nommés. Au milieu des candidats, l'extraterrestre Rory Stewart, centriste, se distingue par une campagne originale, lancé dans une grande marche à la rencontre des Britanniques aux quatre coins du pays, qu'il filme et poste sur Twitter. Sa campagne a engendré un fort soutien, mais pas parmi les membres du Parti conservateur, ce qui lui ôte toute chance. Il a aussi reconnu avoir fumé une pipe d'opium lors d'un mariage en Afghanistan, où il a vécu il y a une vingtaine d'années.
Les onze candidats ont tous un point commun : aucun n'a à ce stade présenté de projet ou d'initiative viables pour résoudre la crise du Brexit. Tous ressassent des suggestions déjà abordées et rejetées au cours des trois ans de négociations. «Voilà qui commence à faire sens. L'état actuel de la politique britannique est simplement un exemple supplémentaire des dommages à long terme de l'usage des drogues». La réflexion acide vient de Simon Fraser, ancien plus haut fonctionnaire du Foreign office, normalement soumis au devoir de réserve mais qui, à la retraite et excédé par la situation autour du Brexit, se lâche de plus en plus.