L'Agence internationale de l'énergie a présenté vendredi, dans le cadre du G20, un rapport sur l'hydrogène, réalisé à la demande du Japon. Ces 203 pages insistent sur la place majeure de ce gaz «propre» dans la lutte contre le réchauffement climatique et prévoient une baisse de ses coûts de production de 30 % d'ici à 2030. Son avantage concerne l'absence de rejet de dioxyde de carbone (CO2), notamment dans le domaine des transports. Mais les écologistes demeurent sceptiques sur sa fabrication, à l'origine de l'émission de quelque 830 millions de tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent des rejets cumulés du Royaume-Uni et de l'Indonésie. D'après Daniel Hissel, spécialiste de l'hydrogène au CNRS et lauréat de la médaille Blondel en 2017, l'hydrogène peut pourtant être issu d'énergies renouvelables et même les stocker à son tour.
Les transports fonctionnant à l’hydrogène rejettent-ils vraiment aucune émission nocive ?
Tout à fait. Seule de l'eau sort des pots d'échappement. On parle de véhicules électriques à hydrogène : ils fonctionnent sur le même principe qu'un véhicule électrique, mais la batterie est complétée par une pile à combustible avec le double intérêt d'une recharge très rapide, identique à un véhicule classique, et d'une autonomie très élevée. Cette pile utilise un réservoir à hydrogène qui se combine avec l'oxygène présent dans l'air pour produire, par une réaction chimique très simple, de l'électricité et de la chaleur. Le seul produit de réaction c'est de l'eau. Cela ne génère effectivement pas d'émissions de polluants in situ.
Le principal problème semble donc être la production énergivore de la production d’hydrogène. Comment aller vers un gaz plus «propre» ?
Aujourd'hui, 95 % de l'hydrogène produit dans le monde s'avère issu de ressources fossiles. Or, il peut être conçu très facilement par la réaction inverse de la pile à combustible. L'électrolyse [processus de conversion de l'énergie électrique en énergie chimique, ndlr] permet en effet de séparer, au contact de l'électricité, la molécule d'eau en hydrogène d'un côté et en oxygène de l'autre. Si l'électricité utilisée est d'origine renouvelable et que l'on se situe près d'une source d'eau, nous pouvons alors produire de l'hydrogène en tout point de la planète, à la demande, et de manière totalement propre. C'est plutôt vers cela que nous allons évidemment essayer de nous orienter dans le contexte de la transition énergétique et écologique.
Mais pour l’heure, la production d’hydrogène se révèle essentiellement industrielle. Pourtant, d’un point de vue technologique, l’électrolyse est au point. Comme cela est mentionné dans le rapport, il s’agit désormais de définir une vraie feuille de route stratégique pour la déployer, dans laquelle les Etats ont bien évidemment un rôle majeur à jouer. Il faut aussi donner des assurances aux entreprises qui souhaitent investir dans ces systèmes. Cette maturité technologique s’avère désormais en phase avec la prise de conscience environnementale des populations et des gouvernements, bien conscients de la nécessité de trouver des solutions pérennes. Depuis 3-4 ans, les industriels réclament eux-mêmes des substitutions aux énergies carbonées.
Le rapport pointe par ailleurs le fait que l’hydrogène peut améliorer l’exploitation des énergies renouvelables en les stockant. Par quel mécanisme ?
Grâce à l'électrolyse. L'électricité, dans le modèle préconisé, provient de l'énergie renouvelable. Associée à l'eau, elle peut donc fournir de l'hydrogène. Cela permet de produire ce gaz au pied des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques, sources d'électricité, et de la stocker. Car la problématique des énergies renouvelables concerne leur intermittence puisqu'il devient impossible de générer de l'électricité en absence de vent ou de soleil. L'hydrogène y remédie en offrant une solution de stockage à long terme de l'électricité, sous forme de gaz, lissant ainsi la production électrique issue de sources naturelles. C'est vraiment un élément contributif à l'évolution du mix énergétique et surtout à l'introduction des énergies d'origine renouvelable.
Quels facteurs ralentissent son déploiement ?
Un des freins demeure les contraintes normatives, encore très lourdes. Elles doivent être simplifiées au niveau des Etats mais aussi à l'échelle mondiale pour permettre le déploiement de ces technologies. L'hydrogène était en effet considéré jusqu'à présent comme un gaz combustible destiné à l'industrie. Il n'était pas forcément envisagé dans de nouvelles applications comme les véhicules ou l'approvisionnement électrique et thermique des habitats. À partir du moment où nous entrons dans une utilisation ouverte au grand public, il faut évidemment s'assurer de la sécurité, sans empêcher son développement. Il est important de répondre à cette dynamique enclenchée. Tout en gardant à l'esprit que tout stockeur d'énergie doit être manipulé avec précaution [rappel nécessaire alors qu'une explosion a eu lieu le 10 juin en Norvège, ndlr]. Il s'agit de mesures sécuritaires de bon sens, de la même façon que vous n'allez pas faire le plein d'essence avec une cigarette à la bouche ! Il faut enfin que nous développions des formations professionnelles dans ce domaine.