C’est une victoire pour l’Union nationale de l’espérance (UNE), le parti de centre gauche guatémaltèque. Avec 24,18% des voix, sa secrétaire générale, Sandra Torres, a devancé au premier tour ce lundi le conservateur Alejandro Giammattei. Candidate pour la deuxième fois à la présidentielle dans ce pays de 17 millions d’habitants, l’ex-Première dame met sa longue expérience politique à profit dans cette campagne. Et part favorite pour le second tour prévu le 11 août.
Sandra Torres n'en est pas à son coup d'essai. En 2011, elle avait déjà tenté de se présenter en 2011 à la succession de son ex-mari, le président Alvaro Colom (au pouvoir entre 2008 et 2012) avant que sa candidature soit interdite par la Cour suprême en raison de leur parenté. A nouveau candidate en 2015, elle est battue par l'animateur télé et actuel président sortant, Jimmy Morales, dont elle convoite aujourd'hui le poste.
ADN politique
A 63 ans, Sandra Torres a déjà de longues années d'expérience politique à son compte. Fille de Teresa Casanova, maire de Melchor de Mencos où elle est née, et sœur de Luis Torres Casanova, candidat à la présidence du Guatemala en 1995, la politique se transmet de génération en génération dans sa famille. En 2002, c'est à ses côtés et sous son impulsion que son ex-mari, Alvaro Colom, fonde le parti pour lequel elle est candidate, de tendance social-démocrate.
Bien que, conformément à la Constitution, Sandra Torres ne bénéficiait d'aucun pouvoir lors de la présidence de Alvaro Colom, elle opérait dans l'ombre de son ex-mari et occupait une place cruciale dans la politique nationale. Elle avait ainsi la réputation de peser sur l'éducation, la santé, mais aussi les politiques de défense ou de sécurité intérieure.
Virage à gauche
Secrétaire générale de l'UNE depuis 2012, Sandra Torres promeut des initiatives de développement social au sein de son parti. En misant sur la défense des femmes, des enfants, des retraités, elle fait adopter dès 2008 une loi pour lutter contre les féminicides, et une autre sur la responsabilité parentale. Reste que les propositions politiques qu'elle défend, dans un pays où la pauvreté touche 59% de la population en dépit d'une croissance de 3,1% en 2018, tiennent du «programme fourre-tout», estime Frédéric Louault, vice-président de l'Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes de Science-Po. Lutte contre la violence, engagement contre la corruption : son programme épouse l'urgence politique de ce pays d'Amérique centrale, ravagé par les gangs et le trafic de drogue. Et qui détient, avec 27,3 meurtres pour 100 000 habitants selon l'ONU, l'un des taux d'homicides les plus dramatiques de la planète.
La candidate à la présidentielle a travaillé dans le secteur privé des maquiladoras, des usines de confection et d'assemblage, avant de faire de la politique son activité principale. Pour Frédéric Louault, elle «réinvestit son double positionnement femme politique-femme d'affaires dans son programme pour tenter de dynamiser l'économie du pays sans froisser les Etats-Unis», qui ont déjà supprimé certaines aides vers l'Amérique centrale à cause de l'émigration massive. Les transferts d'argent des quelque 1,5 million d'émigrés aux Etats-Unis sont l'un des principaux moteurs économiques du pays. Ils ont atteint l'année dernière le chiffre record de 9,3 milliards de dollars (8,3 milliards d'euros).
Bien que la candidature de Sandra Torres ne marque pas le renouveau attendu par les Guatémaltèques, la potentielle victoire d’un parti de centre gauche serait «symboliquement forte» et permettrait de «relativiser le virage à droite» pris par l’Amérique latine, juge Frédéric Louault.