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Libération
Portrait

Jeremy Hunt, le cavalier blanc

publié le 20 juin 2019 à 20h46

On le décrit souvent comme «nice», ce qui, en anglais, peut se traduire par tout et n'importe quoi. On peut penser «gentil» ou «sympa» mais aussi un peu «fade». Jeremy Hunt est aussi décrit comme «affable» et «raisonnable». Il ne hausse jamais la voix et ne montre rien de l'attitude clownesque joyeusement cultivée pendant des années par son rival Boris Johnson.

A 52 ans, il garde une allure et un visage presque d’adolescent, comme s’il se retrouvait dans cette soupe politique un peu par hasard. Pourtant, comme Boris Johnson, il est un pur produit de l’establishment britannique. Fils d’un amiral, il a étudié dans une pension privée réputée, Charterhouse, avant de rejoindre Oxford et d’étudier la politique, l’économie et la philosophie, une combinaison de matières prisée des politiciens britanniques. Il y a côtoyé Boris Johnson et David Cameron qui y étudiaient à la même époque. Et c’est aussi à cette époque qu’il a pris goût à la politique et a rejoint le Parti conservateur.

Mais avant d’entrer en politique, et c’est une carte sur laquelle il n’a cessé de jouer dans sa campagne, Jeremy Hunt a été «entrepreneur». Il a commencé comme consultant avant de partir vivre un an au Japon, où il a enseigné l’anglais et appris le japonais, qu’il parle couramment. Ce qui explique peut-être la gaffe énorme qu’il avait faite lors d’un voyage en Chine, comme ministre des Affaires étrangères, où il avait confondu la nationalité de sa femme, en disant qu’elle était japonaise, alors qu’elle était en fait chinoise.

Contre-pied. Après avoir échoué à exporter de la marmelade au Japon, il avait finalement créé une compagnie d'édition, avec, cette fois, beaucoup plus de succès. Aujourd'hui, Jeremy Hunt utilise son expérience dans le monde des affaires pour affirmer qu'il serait le meilleur pour gérer le Brexit et ses implications économiques. Considéré comme membre de l'aile la plus centriste du Parti conservateur, il avait soutenu fermement le camp du remain lors de la campagne du référendum.

Après la victoire du leave, en juin 2016, il s'était rallié au Brexit et avait conservé le poste qu'il occupait sous David Cameron dans le gouvernement de Theresa May. Après avoir travaillé à la Culture, il avait endossé le rôle de ministre de la Santé de 2012 à 2018, menant une série de réformes controversées dont une concernant la mobilisation des médecins juniors sept jours sur sept. Il avait subi grève après grève (notamment la première de l'histoire de l'ensemble du National Health Service) et le milieu médical avait poussé un soupir de soulagement lors de son départ. L'homme avait alors quitté la Santé pour succéder à… Boris Johnson aux Affaires étrangères, en juillet 2018.

A ce poste, il semble beaucoup plus à l'aise que son prédécesseur, ce qui n'est guère difficile. Il a notamment pris à cœur la situation de l'Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, emprisonnée depuis trois ans sans raison à Téhéran, multipliant les interventions, les demandes de libération et lui octroyant un statut de protection diplomatique. Il avait pris le contre-pied de Boris Johnson qui, faute d'avoir lu ses notes, avait gaffé et affirmé que la jeune femme était journaliste, ce qu'elle n'a jamais été, et qui avait été utilisé contre elle par les autorités iraniennes. «Il donne l'impression que ça lui tient à cœur, au contraire de son prédécesseur», confiait il y a quelques jours à Libération Richard Ratcliffe, le mari de Nazanin.

Union soviétique. La difficulté pour Jeremy Hunt sera de se montrer suffisamment percutant pour contrer la machine à broyer mise en place par Boris Johnson, perçu, comme son ancien allié Michael Gove, comme un expert des manœuvres en coulisses. Ce qui ne semble pas être la principale force de Jeremy Hunt. Même lorsqu'il avait essayé de se présenter en Brexiter dur, notamment en comparant lors d'un discours l'Union européenne à l'Union soviétique, il avait semblé peu convaincant. Comme s'il ne croyait pas vraiment à ce qu'il disait.

Il y a quelques jours, il avait aussi affirmé soutenir le tweet insultant de Donald Trump vis-à-vis du maire de Londres Sadiq Khan, avant de finalement changer d'avis lors d'un débat télévisé. Ce manque de conviction ferme, associé à une forme de douceur, un goût pour le compromis et un passé de remainer, risquent d'être de très lourds handicaps auprès d'un Parti conservateur qui rêve de pouvoir se retrouver derrière une personnalité forte et… brexiteuse. Pourtant, son apparente souplesse cache parfois une féroce détermination. Il avait ainsi farouchement refusé de quitter son poste à la Santé lorsque May voulait tenter de le rétrograder au Trésor. Elle avait cédé. Ses partisans affirment qu'il ne faut pas le sous-estimer et qu'il pourrait créer la surprise.