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Libération
Récit

En Algérie, les conditions d'une transition démocratique sont posées

Quatre mois après le début des manifestations, partis politiques et membres de la société civile algérienne ont érigé un «pacte» pour mettre fin au statu quo. Ils exigent la libération des détenus politiques et une transition vers de nouvelles élections.
Un manifestant algérien arborant des symboles amazighs en signe de protestation, mardi à Alger. (RYAD KRAMDI/Photo Ryad Kramdi. AFP)
publié le 27 juin 2019 à 20h06

Deux mois après le départ de Bouteflika, le temps est venu d'entamer une «véritable transition démocratique». Une centaine de personnes, issues de partis politiques, d'associations et de la société civile, se sont rassemblées mercredi au siège du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) à Alger, répondant à un appel lancé le 18 juin par sept partis politiques et la Ligue algérienne des droits de l'homme. Elles ont adopté un «pacte», écrit le jour même par un comité de rédaction représentant les différentes sensibilités, qui pose les conditions d'une sortie de crise pacifique et démocratique.

Drapeaux amazighs

Ce texte se veut consensuel. «Pour le moment, nous ne cherchons pas à mener des négociations mais à ce que les manifestants s'approprient ce pacte, explique Ouamar Saoudi, député RCD à Alger, à Libération. Or, le refus catégorique qu'une élection présidentielle se tienne dans ces conditions signifie que nous avons besoin d'une transition.» La déclaration précise qu'aucune négociation s'avère possible sans que quatre préalables soient respectés.

Le premier concerne «la libération immédiate de tous les détenus politiques et d'opinion», que Ouamar Saoudi chiffre à une trentaine, englobant les 18 arrestations récentes pour port de drapeaux amazigh pendant les manifestations – «une tentative de division entre arabophones et berbères qui a échoué pour au contraire faire mûrir la question identitaire de cinquante ans !» estime le député. La libération, selon le «pacte», doit aussi s'étendre au champ politique et médiatiqueLe gouvernement au pouvoir, largement dépendant du chef d'état-major Gaïd Salah, n'a en effet pas hésité à bloquer le site d'information Tout sur l'Algérie (TSA) le 12 juin. Quant aux médias publics, «ils semblent être à une année-lumière de ce qu'il se passe et n'évoquent même pas les marches [qui ont lieu tous les vendredis depuis le 22 février, ndlr]», constate Ouamar Saoudi.

Neuf mois

Le texte appelle également à «l'arrêt immédiat des harcèlements judiciaires et des menaces contre les citoyens, les militants des partis politiques et de leurs organisations, du mouvement associatif, des syndicalistes, des militants de droits de l'homme, des journalistes…» Cela fait notamment référence à la multiplication des mises en détention provisoire des manifestants et aux dérapages pendant les gardes à vue où des femmes ont abusivement été fouillées à nu. Les signataires du manifeste souhaitent enfin que le gouvernement mette un terme au «bradage des richesses nationales». «Ce pouvoir illégitime [car non issu d'une élection, ndlr] ne devrait pas signer d'accords concernant les richesses nationales», précise Ouamar Saoudi.

La prochaine étape consistera à adopter une feuille de route, sous une dizaine de jours, pour organiser concrètement cette transition. Les diverses formes démocratiques ont certes tardé à se réunir, affaiblies par les vingt années du règne du président Bouteflika. Mais, mercredi, les participants se sont dits «déterminés à œuvrer dans un cadre unitaire ouvert à toutes les forces qui se reconnaissent dans l'alternative démocratique pour permettre au peuple algérien de recouvrir toute sa souveraineté».

Said Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, a salué «un mouvement historique», tandis que Ouamar Saoudi espère, lui, que la transition ne prendra pas plus de neuf mois – prévoyant déjà que l'assainissement des fichiers électoraux se révélera la tâche la plus épineuse. «Après ce serait trop long. Et, alors que nos réserves de liquidités fondent, seul un gouvernement légitime pourra faire des choix sur le plan économique», affirme le député. Les manifestants devraient en tout cas sortir dans les rues d'Alger ce vendredi pour la 19e semaine consécutive.