Une nouvelle fois, ils ont répondu à l’appel. Des centaines de milliers de Soudanais ont défilé dimanche dans les rues de Khartoum et dans des dizaines de villes pour exiger que les généraux ayant renversé Omar el-Béchir le 11 avril rendent le pouvoir aux civils. C’était la première démonstration de force massive des révolutionnaires depuis la dispersion de leur «sit-in», devant le quartier général des forces armées, le 3 juin. Ce jour-là, des miliciens appartenant aux Rapid Support Forces (RSF), une unité composée majoritairement de combattants arabes originaires du Darfour, avaient brûlé les tentes, battu, violé, tué des manifestants, dans un déchaînement de violence jamais vu à Khartoum depuis le début du mouvement de protestation, en décembre. Le Comité central des médecins avait compté 128 morts.
La terreur qui s’est abattue sur la capitale n’a pas empêché les Soudanais d’oser braver les militaires dimanche, trente ans exactement après le coup d’Etat qui avait porté El-Béchir au pouvoir. Comme le 6 avril, au premier jour du sit-in, l’immense foule a en partie débordé l’appareil de répression. Sept personnes ont été tuées et 181 blessées, selon l’armée. Dans plusieurs villes, la foule a été dispersée à balles réelles. Mais le bain de sang un temps redouté n’a pas eu lieu.
En accentuant la pression sur l’armée, les marches de dimanche devraient renforcer la position des signataires de la Déclaration pour la liberté et le changement (membres de l’Association des professionnels soudanais, de partis d’opposition et groupes rebelles) dans leurs négociations avec le Conseil militaire de transition. Depuis le 6 avril, les discussions sont interrompues, mais une médiation conduite par l’Union africaine et le Premier ministre éthiopien permet un dialogue indirect. Elle a proposé un plan de transition de trois ans, articulé autour d’un gouvernement de technocrates, un Parlement provisoire et un Conseil souverain composé de sept civils, sept militaires et une personnalité indépendante choisie conjointement. Le plan propose enfin une enquête indépendante sur le massacre du 3 juin.