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Libération
Verdict

Bosco Ntaganda coupable de crimes de guerre et crimes contre l'humanité

Dans un procès historique, l'ex-chef de guerre congolais a été reconnu coupable de 18 chefs d'accusation par la Cour pénale internationale.
Bosco Ntaganda arrive à la Cour pénale internationale, ce lundi à La Haye. (EVA PLEVIER/Photo Eva Plevier. AFP)
par Anton Stolper
publié le 8 juillet 2019 à 18h16

Dix-huit. A dix-huit reprises, le juge de la Cour pénale internationale (CPI) Robert Fremr a prononcé le mot «coupable». Lundi, l'ancien chef de guerre congolais Bosco Ntaganda a été déclaré coupable de 18 chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis entre 2002 et 2003 en Ituri, province du nord-est de la république démocratique du Congo (RDC). Les faits se sont déroulés alors qu'il était chef des opérations militaires du mouvement rebelle Union des patriotes congolais (UPC).

Cette condamnation intervient à la suite d'une série d'acquittements très controversés à la CPI, notamment celui des Ivoiriens Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), la condamnation de Bosco Ntaganda serait aussi unique car les charges comprennent «des crimes commis par ses subordonnés dont il était responsable en tant que commandant militaire». De plus, la FIDH a précisé qu'il s'agissait de «la première affaire jugée sur la situation en RDC à inclure des accusations de crimes sexuels et basés sur le genre».

Contenu du jugement horrifiant

Lors de l'audience finale, le juge a déclaré Bosco Ntaganda «coupable de meurtres, d'avoir dirigé intentionnellement des attaques contre des civils, de viols, d'esclavage sexuel, de persécutions et de pillages en tant que crimes de guerre et crimes contre l'humanité». Au total, le trio de juges l'a reconnu coupable de treize crimes de guerre et cinq crimes contre l'humanité. Des crimes qui ne couvrent qu'une minuscule portion des plus de 25 ans de conflits auxquels il a participé. La lecture du contenu du jugement final est horrifiante. On y découvre entre autres l'exécution d'un prêtre, le viol d'une fillette âgée de seulement 9 ans, des cas d'esclavage sexuel et «l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans un groupe armé».

Né en 1973 au Rwanda, Bosco Ntaganda rejoint à 17 ans les rangs du Front patriotique rwandais. Il passera ensuite 20 ans dans divers groupes armés entre le Rwanda et la RDC jusqu'à sa nomination au titre de général dans l'armée congolaise en 2009. Inculpé en 2006 par la CPI, il sera protégé par le président congolais Joseph Kabila qui refusera de le livrer à la justice internationale. En 2012, Kabila peine à résister aux pressions grandissantes de la CPI, poussant Bosco Ntaganda a s'enfuir. Il se rapproche alors du mouvement rebelle M23 dont il tente de prendre les commandes qu'il dispute au général Sultani Makenga. S'ensuit alors un conflit meurtrier dont Bosco sortira perdant. Craignant la mort, il part se réfugier en 2013 dans l'ambassade des Etats-Unis à Kigali, au Rwanda, qui le livre alors à la CPI. Son procès a commencé en septembre 2015.

Dans les attendus de son jugement, la CPI a précisé que la défense dispose de 30 jours pour faire appel de la décision. Si l'éventuelle demande d'appel est rejetée, celui que le procureur de la CPI jugea comme «aussi dangereux que Joseph Kony [chef de guerre ougandais, ndlr]» encourt une peine de prison pouvant aller jusqu'à 30 ans.