«One, two, three, viva l'Algérie !» Le cri a fusé dimanche soir, des rues d'Alger jusqu'aux Champs-Elysées. Unanimes, les Algériens ont célébré la qualification de leur équipe nationale de foot pour les quarts de finale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN). Une victoire sportive qui leur offre une courte pause avant de revenir à une urgence politique moins consensuelle.
En effet, ce mardi marque symboliquement la sortie de toute échéance prévue par la Constitution algérienne : le mandat de 90 jours du président par intérim, Abdelkader Bensalah, désigné le 9 avril au lendemain de la démission d'Abdelaziz Bouteflika, prend fin. Mais après l'annulation, sous la pression du mouvement de protestation, de la présidentielle du 4 juillet, Bensalah a déjà annoncé qu'il resterait en place jusqu'à la désignation de son successeur. Il attend une réponse de l'opposition à l'«offre» qu'il a présentée la semaine passée aux Algériens, s'engageant à laisser aux forces politiques l'exclusivité d'organiser un dialogue et de contrôler le scrutin de bout en bout à travers une instance électorale mise sur pied sans aucune interférence des autorités.
«Bonne foi»
Cette proposition répond en grande partie aux revendications de la contestation, qui reste toutefois méfiante et divisée. Ainsi, les «Forces du changement», large regroupement de partis d'opposition réuni en forum samedi, ont dit oui au dialogue, mais avec des conditions préalables. Ils continuent de réclamer le départ du Premier ministre, Noureddine Bedoui, et la libération des prisonniers politiques. Une position plus tranchée sur ces revendications est exprimée par les partis regroupés dans l'Alternative démocratique, qui ont refusé de se joindre à la conférence de l'opposition et à sa déclaration de samedi, car ils n'accordent aucune confiance aux propositions du gouvernement. «L'opposition a renvoyé la balle dans le camp du pouvoir, le mettant au défi de prouver sa bonne foi», a estimé Makhlouf Mehenni, chroniqueur du site d'information Tout sur l'Algérie (TSA).
Détournement
Dans ce qui ressemble à un nouveau gage offert à la rue, le gouvernement a ordonné dimanche l'arrestation d'un fidèle de Bouteflika, Djamel Ould Abbès, 85 ans. Ancien secrétaire général du FLN et ex-ministre de la Solidarité nationale, il est accusé de «dilapidation de deniers publics, conclusions de contrats contraires à la réglementation, mauvaise utilisation de la fonction et falsification de procès-verbaux publics», selon la radio nationale algérienne, dans le cadre d'une affaire de détournement de fonds destinés aux familles des victimes du terrorisme. Ould Abbès a été placé en détention provisoire, tout comme un autre ancien ministre de la Solidarité nationale, rejoignant les anciens dignitaires du régime Bouteflika déjà incarcérés.
Le bras de fer entre le mouvement de contestation et le pouvoir algérien se poursuit à coup de propositions et de contre-propositions, désormais hors de tout cadre constitutionnel. «Au pouvoir de ne pas laisser passer l'opportunité, au risque d'avoir à assumer seul la persistance du blocage et ses répercussions sur la stabilité du pays», avertit le chroniqueur de TSA.