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Libération

Suède : refus d’une extradition vers la Chine, un tournant dans l’UE

par Anton Stolper
publié le 9 juillet 2019 à 20h46

Qiao Jianjun peut souffler. Grâce à la décision mardi de la Cour suprême de Suède, Qiao, un ancien haut-fonctionnaire chinois, ne sera pas extradé vers la Chine, où il est accusé de détournement de fonds de l’ordre de 10 millions d’euros. La décision est inédite. C’est la première fois que la plus haute juridiction nationale d’un pays signataire de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) rejette une demande d’extradition provenant de la Chine.

Une manière d'officialiser les sérieuses lacunes de la justice chinoise qui sont pointées du doigt par les avocats et les défenseurs des droits de l'homme depuis des années. Le jugement est qualifié de «massacre pour la justice chinoise» par Peter Dahlin, directeur de Safeguard Defenders, une ONG de défense des droits de l'homme. Mais surtout, il «pourrait créer un précédent favorable pour que d'autres pays européens n'extradent pas non plus», selon Me Clémence Witt, une avocate experte en matière d'extradition. Cette décision pourrait gêner les pays européens comme la France, qui ont des traités d'extradition avec la Chine.

Avant de rendre leur décision, les juges se sont concentrés sur le respect de trois principes clés de la CEDH : la tenue d'un procès équitable, l'absence de la torture et l'interdiction de la peine de mort. Ils ont conclu qu'il n'y avait pas moyen de vérifier que ces trois principes seraient respectés et donc que «l'extradition serait contraire aux principes de la CEDH». Qiao Jianjun «risquerait de subir un procès qui dériverait considérablement des normes de procès équitable telles qu'elles sont inscrites dans la CEDH», ont estimé les juges. Le risque de torture n'a pas été exclu car «bien qu'elle soit illégale, elle est toujours pratiquée, et de manière régulière». Enfin, au sujet de la peine capitale, «il existe un réel risque qu'il soit condamné à mort». Les conclusions des juges suédois pourraient gêner l'application du traité d'extradition franco-chinois dont l'article 3 précise qu'une extradition ne peut avoir lieu si l'infraction est punissable de la peine capitale. Il sera désormais plus difficile pour la France de se satisfaire des assurances chinoises qui ne convainquent pas la Cour suprême suédoise.