Les navires humanitaires continuent de défier l'Italie. Malgré l'interdiction de débarquement ordonnée par le ministre de l'Intérieur d'extrême droite Matteo Salvini, le voilier Alex, affrété par le collectif italien de gauche et d'extrême gauche Mediterranea, a débarqué de force une quarantaine de migrants, le 7 juillet, dans le port sicilien de Lampedusa.
Fin juin, les autorités italiennes avaient déjà saisi un navire d'une autre ONG allemande, le Sea-Watch 3, et arrêté sa capitaine, Carola Rackete, qui avait elle aussi accosté de force pour débarquer des dizaines de migrants secourus en mer et bloqués à bord durant plus de deux semaines.
L'Italie, sous l'impulsion de Matteo Salvini, a fermé ses ports aux navires d'ONG secourant des migrants en mer, qu'il considère comme des complices des passeurs. Adopté en juin, un décret-loi italien prévoit des amendes allant jusqu'à 50 000 euros pour le capitaine, le propriétaire et l'armateur d'un bateau qui entrerait sans autorisation dans les eaux italiennes. «Je n'autorise aucun débarquement à ceux qui se moquent totalement des lois italiennes et aident les passeurs», avait prévenu le ministre de l'Intérieur dans un tweet lors du débarquement d'Alex.
Ces affaires suscitent de nombreuses questions en matière de «responsabilité» des Etats européens, en particulier l'Italie, qui refusent fréquemment d'accueillir les migrants en provenance du continent africain, selon Thibaut Fleury Graff, professeur de droit international et des migrations à l'Université Rennes-I.
Comment peut-on résumer la position de l’Italie à l’égard des navires humanitaires aujourd’hui ?
L'Italie empêche ces bateaux d'accoster dans ses ports et ne récupère que les migrants qui se trouvent dans une situation de grande détresse. Le décret-loi adopté en juin par l'Italie prévoit par exemple des amendes pour les personnes qui, par l'intermédiaire de ces navires, portent secours aux migrants, en invoquant la lutte contre le trafic d'êtres humains. En se retranchant derrière cette notion, les autorités italiennes peuvent malheureusement se permettre beaucoup de choses. Cette position agressive est liée à la politique intérieure italienne, mais c'est aussi un moyen de faire pression sur les autres États membres de l'Union européenne (UE).
En vertu du droit international, un pays a-t-il le droit de fermer ses ports aux bateaux secourant les migrants ?
Le droit international est très flou sur ce sujet. Selon les Conventions internationales sur le droit de la mer, un Etat dont un navire se situe dans sa zone de recherches et de secours est obligé d'accueillir dans un «port sûr» les personnes qui s'y trouvent dès lors qu'elles sont «détresse». Mais quelle est la définition de la détresse ? Cela laisse une grande place à l'interprétation. Dans le cas de SOS Méditerranée, l'Italie a joué sur le fait qu'elle avait secouru les personnes les plus vulnérables, comme les enfants et les femmes enceintes, pour les ramener sur son sol. Pour le reste, elle peut estimer qu'il n'y a pas d'urgence vitale et que les personnes n'ont pas besoin de secours immédiat. Dans ce cas-là, le droit international n'oblige pas forcément un État à ouvrir son port. En ce qui concerne les droits humains, la difficulté provient du fait que les navires se trouvent souvent en haute mer lorsqu'ils sollicitent un pays pour accoster dans l'un de ses ports. Or, la souveraineté étatique ne s'applique pas dans cette zone et l'État n'a donc que très peu d'obligations à l'égard du navire.