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Libération

Une chercheuse franco-iranienne arrêtée en Iran

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publié le 15 juillet 2019 à 20h46

Le 5 juin, vers 15 heures, Fariba Adelkhah s'est connectée sur WhatsApp, et depuis, plus rien ou presque. Franco-Iranienne, l'anthropologue au Ceri, le Centre de recherches internationales de Sciences-Po, résidait à mi-temps en Iran, où elle travaillait sur la circulation des clercs dans le monde chiite. Quelques jours plus tard, un mail étrange est parvenu à ses connaissances, qui se sont inquiétées de ne pas la voir à Paris le 25 juin, date prévue de son retour. Fariba Adelkhah a été arrêtée, elle est aujourd'hui détenue, probablement à Evin, la prison du nord de Téhéran à la sinistre réputation. Le ministère des Affaires étrangères a confirmé lundi matin l'information qui circulait depuis quelques jours dans la presse d'opposition iranienne. «Les autorités françaises ont effectué des démarches auprès des autorités iraniennes pour obtenir de leur part des informations sur la situation et les conditions de l'arrestation de Mme Adelkhah et demander un accès consulaire, comme il est prévu dans ces circonstances, préalable nécessaire à sa libération rapide», a indiqué le Quai d'Orsay, précisant qu'«aucune réponse satisfaisante n'a été apportée à ces demandes à ce jour» et ne disant rien des conditions de cette arrestation.

Fariba Adelkhah serait soupçonnée d'espionnage. Absurde, répondent ses collègues du Fonds d'analyse des sociétés politiques, une association regroupant dix chercheurs : «[Elle] a des activités strictement universitaires, n'a aucun lien avec quelque service de renseignement que ce soit, ne mène aucune activité politique en Iran.» L'universitaire Jean-François Bayart, qui travaille depuis trente ans avec Fariba Adelkhah, insiste sur la transparence dont fait preuve l'anthropologue : «Elle a toujours veillé à publier ses recherches, ou au moins un abstract [résumé, ndlr], en persan pour montrer qu'elle n'avait rien à cacher.»

Les raisons de cette arrestation soudaine restent très floues. Fariba Adelkhah avait déjà subi des pressions de la part des autorités, avec «convocations plus ou moins aimables», selon Jean-François Bayart, allant jusqu'à la confiscation ponctuelle de son passeport, mais rien de cette gravité. Depuis plusieurs mois, l'appareil sécuritaire iranien se crispe, ciblant prioritairement la société civile. Depuis le 9 juillet, la diplomatie française invite «les ressortissants pouvant le faire à différer leurs projets de déplacement en Iran, y compris à titre privé».