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Haine en ligne

Pourquoi Twitter ne censure pas les tweets racistes de Trump

Le réseau social ne considère pas les récents tweets polémiques du président américain, appelant les femmes parlementaires démocrates à «retourner» d’où elles venaient, comme racistes ou xénophobes.
Les parlementaires Alexandria Ocasio-Cortez de New York, Ilhan Omar du Minnesota, Rashida Tlaib du Michigan et Ayanna Pressley du Massachusetts ont réagi aux tweets de Donald Trump les appelant à «retourner chez elles». (Photo Brendan SMIALOWSKI.AFP)
publié le 17 juillet 2019 à 7h39

Sur Twitter, le président américain peut tout dire. Depuis dimanche, ses salves xénophobes contre les quatre élues du Congrès, les appelant à «rentrer chez elles» n'ont fait l'objet d'aucune sanction sur le réseau social, malgré la teneur «raciste et xénophobe» de ses propos dénoncée, entre autres, par des démocrates.

Interrogé par The Verge, Twitter a confirmé qu'il ne les traiterait pas comme une violation à sa politique en matière de conduite haineuse, qui interdit notamment le «ciblage de personnes avec des insultes, clichés et autres contenus répétés visant à déshumaniser, dégrader ou renforcer les stéréotypes négatifs ou préjudiciables au sujet d'une catégorie protégée», sous peine de sanctions (qui peut aller de la suppression du contenu en infraction à la suspension définitive du compte).

Des tweets d’«intérêt public» 

Une décision que Twitter justifie par ses nouvelles règles annoncées le 27 juin concernant les tweets dits «d'intérêt public», émanant de comptes (certifiés) de personnalités politiques suivies par au moins 100 000 abonnés. «Nous pouvons autoriser des contenus controversés ou des comportements qui auraient autrement violé les règles de notre service, parce que nous estimons qu'ils relèvent d'un intérêt public légitime. Dans ces cas-là, nous ajoutons une notice au tweet précisant qu'il viole les règles»explique le réseau social sur son blog. Toutefois, en cas de «menaces de violence directes ou appel à la violence à l'encontre d'un individu», les tweets, même s'ils proviennent de politiciens, ne sont pas considérés d'intérêt public et seront sanctionnés, précise Twitter.

D'après la nouvelle politique de Twitter, les tweets rentrant dans ce cas de figure seront non seulement signalés, mais verront aussi leur visibilité diminuer (en n'apparaissant pas, par exemple, dans vos notifications ou dans l'onglet «explorer»), histoire de «trouver le bon équilibre entre liberté d'expression, renforcement de la responsabilité et réduction des préjudices potentiels causés par ces tweets», détaille le réseau social. Un procédé dont le Président aux 62 millions d'abonnés s'est d'ailleurs déjà plaint par le passé.

Pourtant, les tweets polémiques de Donald Trump n'ont fait l'objet d'aucun signalement ce week-end, alors qu'ils auraient été une bonne occasion de mettre en vigueur les nouvelles règles de Twitter, suggère The Washington Post. Pour Florence G'Sell, professeure de droit privé à l'Université de Lorraine et spécialiste des réseaux sociaux, «ce qu'a déclaré Trump sur Twitter sur ces quatre parlementaires ce week-end est clairement en contradiction avec ce qui avait été annoncé fin juin par le réseau social». 

Allergique aux débats politiques

Twitter aurait-il simplement peur de la réaction du président américain ? C'est ce que suggère Florence G'Sell : «Trump s'est souvent plaint que les réseaux sociaux étaient hostiles aux positions qu'il représente, de droite et conservatrices. Est-ce que Twitter se sent mal à l'aise à l'idée de réagir à ses tweets ? Dès le 27 juin, quand on leur a demandé des exemples de tweets passés qui pourraient faire l'objet de signalement, ils avaient refusé de donner des exemples, et n'avaient pas voulu se mouiller.»

Plus largement, poursuit-elle, «il est très compliqué pour un réseau social d'intervenir dans le débat politique», bien que «la dimension xénophobe et raciste de ses propos soit manifeste». «Même si Donald Trump s'exprime sur Twitter comme une personne privée, il est considéré par la loi comme une personnalité publique. Pour un réseau social, cela rend difficile la légitimité de l'intervention», analyse-t-elle. A l'inverse, comme l'a confirmé une cour d'appel le 9 juillet, le président, en tant que partie officielle, n'a pas non plus le droit de bloquer des utilisateurs –journalistes, opposants… – sur Twitter. Son pouvoir a quelques limites.