Menu
Libération
Éditorial

Anti-opium

publié le 18 juillet 2019 à 21h06

Manifestations contre le pouvoir à midi. Cortèges de supporteurs en liesse le soir. Depuis des mois, les Algériens défilent chaque vendredi pacifiquement contre le régime. Depuis le début de la Coupe d’Afrique des nations, le cœur des mêmes Algériens s’emballe un peu plus après chaque succès de l’équipe nationale, qui affronte le Sénégal ce vendredi soir en finale. Des communions populaires qui, dans ce pays où football et politique sont intimement liés, se sont nourries l’une l’autre sans se substituer l’une à l’autre.

De l'historique équipe clandestine du FLN de Rachid Mekhloufi (lire son témoignage sur Libé.fr ) aux récents chants anti-Bouteflika des supporteurs, c'est en résistance que s'est construite la légende du football algérien. Des décennies durant, conscience politique et esprit sportif ont grandi de concert, malgré les tentatives répétées d'instrumentalisation par le régime. Dans un pays où crier sa colère n'a longtemps été possible que dans les stades, c'est aujourd'hui dans les rues que défilent les supporteurs. Ceux du MC Alger sont des fidèles du rendez-vous du vendredi. L'un de leurs chants est même devenu l'hymne du mouvement de contestation. Le signe d'un engagement parallèle, révélateur aussi d'une ligne de crête extrêmement ténue entre message politique et élan sportif. L'histoire - encore elle - a certes appris à se méfier du mélange des genres. Mais tout en se préparant à la liesse en cas de victoire des Fennecs, une question trotte dans les têtes : si les Verts l'emportent, rencontreront-ils le président par intérim comme le veut la coutume ? Ou le snoberont-ils, comme les championnes américaines l'ont fait avec Donald Trump ? Le symbole serait à même d'électriser un peu plus la mobilisation contre le régime. Avec cette certitude : en Algérie, la religion qu'est le football est bien l'anti-opium du peuple.