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Libération
Récit

La pression citoyenne éjecte le gouverneur de Porto Rico

Dominic Cummings à Londres en 2016. (Photo AFP)
publié le 25 juillet 2019 à 20h36

Il était 23 heures mercredi, et la foule rassemblée dans le vieux San Juan, comme elle l'a fait douze jours durant, avait les yeux rivés sur les smartphones. Le gouverneur Ricardo Rosselló, mis à mal par la révélation de propos sexistes et homophobes, s'adressait au pays sur Facebook. Et soudain l'explosion de joie, et la rue se transforme en fête, aux cris de «Ricky, on t'a dégagé». Le politicien de 40 ans venait d'annoncer sa démission, «après en avoir discuté avec [sa] famille et prié». La nouvelle avait été attendue tout au long de la journée, au milieu de rumeurs de départ du responsable.

La colère grondait depuis le 13 juillet dans l'île hispanophone des Caraïbes, au statut de «territoire autonome» des Etats-Unis. Ce jour-là, le Centre de journalisme d'investigation, un organisme indépendant, avait révélé via le quotidien El Nuevo Dia le contenu de 889 pages de conversations entre le gouverneur et une douzaine de collaborateurs, sur la messagerie cryptée Telegram. Dans des messages haineux et dénigrants, le groupe s'en prenait à des adversaires politiques tels que la maire de San Juan, Carmen Yulín Cruz, surnommée «la fille de pute», ou au chanteur Ricky Martin, icône de la communauté LGBTI. Rosselló et son entourage ricanaient en outre sur les 3 000 morts de l'ouragan Maria, en 2017.

Outre Ricky Martin, qui avait demandé au gouverneur, populairement appelé Ricky, de changer de surnom pour éviter toute confusion, d'autres artistes s'étaient engagés dans le mouvement anti-Rosselló : Luis Fonsi et Daddy Yankee, le duo d'auteurs et d'interprètes du tube Despacito, les vedettes de latin trap Nicky Jam ou Bad Bunny, le metteur en scène Lin-Manuel Miranda ou encore l'acteur Benicio del Toro. «Nous avons renversé pacifiquement un régime corrompu», s'est félicité jeudi le rappeur Residente.

Le scandale des messages est en effet intervenu dans un contexte d’exaspération citoyenne, après l’inculpation de plusieurs dirigeants politiques pour le détournement de 15 millions de dollars destinés à la reconstruction après l’ouragan.

Jeudi après-midi, la foule affluait vers le stade Hiram-Bithorn, sous le slogan «Somos Más» («Nous sommes plus nombreux»). Un concert réunissant plusieurs des artistes qui ont pris part à la mobilisation était prévu dans la soirée.