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Portrait

Dominic Cummings, un dircab «psychopathe» pour Boris Johnson

publié le 26 juillet 2019 à 20h26

Boris Johnson a un plan. Les nominations des ministres et de ses conseillers, ses premières déclarations, tout converge. Et non, il ne s'agit pas (seulement) d'un Brexit sans accord le 31 octobre. Le nouveau Premier ministre britannique est d'ores et déjà en campagne pour des élections anticipées. Il a prévu une série de déplacements dans tout le pays, pour porter un message très simple : tout va bien se passer, parce que le Royaume-Uni est un pays formidable. «Nous entrons dans un nouvel âge d'or», a-t-il juré jeudi devant les députés.

Derrière chaque campagne victorieuse, il y a un grand stratège, et le nouveau Premier ministre a recruté Dominic Cummings, 47 ans, au poste de chief of staff. Le meilleur, à ses yeux. Responsable de la campagne officielle du «leave» pour le référendum de 2016, c'est lui qui est à l'origine du slogan et des annonces simplistes mais si efficaces, comme «Take Back Control» («reprendre le contrôle»), ou de la promesse fallacieuse de rapatrier de Bruxelles 350 millions de livres par semaine pour le NHS, le service de santé britannique. Adepte des algorithmes et des réseaux sociaux, il a utilisé la firme de consultants Cambridge Analytica, aujourd'hui dissoute, pour récolter des données personnelles et inonder de slogans des cibles faciles sur Facebook.

Cummings a étudié à Oxford avant de partir vivre trois ans en Russie. Très tôt, il est entré dans la communication politique en intégrant notamment Business for Sterling, qui s'opposait à la participation du Royaume-Uni à l'euro. S'il affirme n'avoir jamais fait partie d'aucun parti, il n'a travaillé que pour des conservateurs. Les plus centristes des tories, comme l'ex-Premier ministre David Cameron qui l'avait qualifié de «psychopathe de carrière», s'en méfient comme de la peste. Cummings a poussé à l'outrance cette forme d'arrogance partagée par nombre de ses camarades d'Oxford, ce sentiment de supériorité. Il ne cache pas son dédain pour les fonctionnaires des ministères ou les politiques. Il a d'ailleurs été condamné pour outrage au Parlement après son refus de répondre à la convocation d'une mission qui enquêtait sur la diffusion de fausses informations par la campagne du leave. Le fait que cette dernière ait été condamnée pour dépassement de dépenses électorales ne l'a pas fait ciller.

Le calcul de Cummings et de Johnson semble être le suivant : placer la barre très haut avec l'UE (l'accord est mort, sauf si le backstop irlandais est totalement éliminé, une requête inacceptable pour les Européens) pour attribuer la responsabilité d'une sortie sans accord à la pseudo-intransigeance des Européens. Ensuite, Johnson se présentera devant le Parlement pour expliquer l'échec des discussions, sachant pertinemment qu'il n'existe aucune majorité pour une sortie sans accord. Une fois cette option bloquée par les députés, il pourra alors convoquer des élections. En ralliant les hard brexiters de Farage, il espère obtenir une plus large majorité que celle dont il dispose. Un pari risqué.