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Libération

En Méditerranée Les sauveteurs, espèce en voie d’extinction

publié le 26 juillet 2019 à 20h06

3 octobre 2013. 366 migrants meurent noyés après un naufrage au large de Lampedusa, dans ce qui est alors l’une des pires tragédies en Méditerranée depuis le début du siècle. Pour réduire les risques encourus par les migrants et lutter contre les passeurs, l’Italie lance dans les jours qui suivent l’opération «Mare Nostrum». Pendant un an, la marine italienne vient au secours des embarcations en détresse et sauve plus de 150 000 migrants, avant que l’opération ne s’arrête en novembre 2014 sous le feu des critiques des partenaires européens et de la droite, qui l’accusent d’encourager l’immigration illégale. Depuis cette date, l’implication de l’UE et des Etats membres dans les sauvetages en mer n’a fait que s’éroder. L’opération «Triton», qui remplace Mare Nostrum, n’intervient que dans les eaux européennes et non plus jusqu’aux limites des eaux libyennes ou tunisiennes. Pilotée par l’agence Frontex, son objectif principal devient la protection des frontières et plus le sauvetage.

Avec le renforcement de la crise migratoire, le nombre de décès en mer monte en flèche. En avril 2015, un autre naufrage au large de la Libye fait 700 morts et pousse l'UE à créer une nouvelle mission, parallèle à Triton. Baptisée «Sophia», elle est chargée de «détruire les embarcations utilisées par les contrebandiers», et de débarquer les migrants qui s'y trouvent dans un port sûr. Mais les passeurs s'adaptent vite et font monter les migrants dans des canots gonflables, moins chers et encore plus fragiles. Depuis l'été dernier, Sophia est au point mort. Après avoir pointé du doigt que les 45 000 migrants sauvés par l'opération ont été débarqués en Italie, Matteo Salvini a fermé les ports italiens aux navires de Sophia. Depuis mars, Sophia n'a même plus de moyens navals et ne fait que surveiller la zone par avion.

Les bateaux d'ONG, déjà bien seuls pour agir dans les eaux internationales, sont en butte depuis l'an dernier à des pressions grandissantes des Etats - Italie en tête - qui les accusent de faire le jeu des passeurs et les empêchent de débarquer. Plus aucun bateau important d'ONG n'opère en ce moment en Méditerranée centrale. Le Sea-Watch 3 est retenu par les autorités italiennes depuis que sa capitaine a forcé l'entrée du port de Lampedusa en juin, comme l'Alex, qui a fait de même début juillet. Le tout nouveau bateau de SOS Méditerranée, l'Ocean Viking, ne devrait atteindre la zone qu'en août.