Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Quarante-septième épisode : juillet 2019. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).
Santé
Burn-out chez les militantes féministes
Après l'arrêt de Paye ta Shnek, le collectif Féministes contre le cyberharcèlement, créé en 2016, a décidé de restreindre son activité. Dans un communiqué publié le 11 juillet, les bénévoles témoignent de leur épuisement et de leur sentiment d'impuissance face à un combat peu soutenu par les pouvoirs publics. Des propos qui font directement écho à ceux d'Anaïs Bourdet, fondatrice de Paye ta Shnek (PTS), dont nous avons fait le portrait. «Je n'ai pas cru que j'allais régler le problème du harcèlement avec PTS, mais le fait de ne pas observer d'amélioration, c'est le genre de chose qui t'amène au burn-out», nous confiait-elle. Même constat chez les Féministes contre le cyberharcèlement qui ont lancé le hashtag #PayeTonBurnOutMilitant. «Nous ne pouvons plus faire le travail de l'État à nos dépens. Notre militantisme nous épuise et le mépris affiché par les autorités concernées pour ces questions de soin et d'accès à la justice nous met en danger», écrivent-elles dans le communiqué.
Et elles sont loin d'être les seules. Sous ce hashtag, nombre de militantes ont partagé sur Twitter leur désarroi et témoigné des conditions difficiles dans lesquelles elles tentent toutes à leur manière de faire avancer les choses, souvent de façon bénévole. Manque d'effectifs, de moyens, mails de menace, tentative de culpabilisation, traumatisme face aux témoignages reçus sont le lot de ces femmes. Et pour certaines, la seule option est donc de tout arrêter ou de ralentir pour se préserver. Plusieurs médias dont Cheek Magazine, Néon ou encore le Huffington Post ont recueilli leurs témoignages. Retrouvez aussi à ce propos sur Libé la tribune de Laurence Cohen, sénatrice PCF et vice-présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Et aussi… la réalisatrice Ovidie a donné la parole à des femmes victimes de maltraitances obstétricales dans son documentaire Tu enfanteras dans la douleur, diffusée sur Arte.
Violences
Le sexisme ambiant et la culture du silence persistent à Radio France
Dans une longue enquête de Télérama mise en ligne le 2 juillet, sous couvert d'anonymat, sept journalistes de Radio France dépeignent le climat sexiste qui règne dans les rédactions du groupe, notamment au sein du réseau France Bleu. Sous couvert d'humour, «une ambiance machiste, un climat de prédation anxiogène qui polluent leur travail et le rendent douloureux au quotidien» : les récits des témoins concordent et des freins entravent la libération de la parole chez les victimes, le plus souvent précaires. L'enquête met aussi en évidence le système de «sanctions promotions» accordées aux harceleurs «nourrissant un sentiment d'impunité». Des pratiques qui ont pu exister, selon Sibyle Veil, la PDG de Radio France, mais désormais «d'un autre âge». La direction a annoncé le renforcement du dispositif de lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Une attention particulière devrait être portée sur le recueil et l'écoute de témoignages. Des investigations sur les cas signalés ont été promises ainsi que des actions de prévention et de sensibilisation. Une mission va également être lancée pour «proposer des améliorations de manière à créer les conditions d'une parole libre au sein de l'entreprise».
Et aussi… L'appel d'urgence des proches de victimes de féminicides soutenus par les organisations féministes qui organisaient un die-in début juillet pour inciter le gouvernement à prendre des mesures ; le témoignage de Cathy Thomas qui a perdu ses parents et sa sœur abattus par l'ex de cette dernière ; le travail des juges de Pontoise qui se penchent sur les violences conjugales tous les vendredis, avec le but d'éveiller les consciences ; la tribune des 150 sénateurs qui appellent l'Etat à investir plus de ressources financières et humaines dans la lutte contre les violences faites aux femmes ; les premières annonces concernant le «Grenelle des violences conjugales» ; le budget alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes en France ; une femme défenestrée par son compagnon obtient l'indemnisation totale en appel.
Corps et sexualité
Des serviettes hygiéniques réutilisables pour que les jeunes Burkinabées soient plus à l’aise avec leurs règles
Pour nombre de jeunes filles et de femmes burkinabées, les règles sont un calvaire et une source d'angoisse. Emilie Kyedrebeogo, 43 ans, se souvient parfaitement de ce sentiment ressenti lors de son adolescence, note le Monde dans un reportage. «Je manquais souvent l'école ces jours-là, j'avais honte, je vivais mes menstruations comme un handicap», raconte-t-elle au journal. Cette entrepreneuse a donc décidé de lancer Palobdé, une marque de protections périodiques lavables en coton bio avec l'objectif «d'aider les petites filles pour qu'elles n'aient pas à souffrir à leur tour de leurs règles».
Selon une étude de l'Unicef, 83% des adolescentes se disent stressées en classe lorsqu'elles ont leurs règles. Et comme Emilie Kyedrebeogo à l'époque, 21% manqueraient régulièrement les cours, «de nombreux établissements scolaires ne disposant toujours pas de latrines, d'eau potable et de savon». Vivre ses règles au domicile n'est pas plus aisé. Un grand tabou entourant encore ce moment, les jeunes filles doivent parfois se débrouiller seules. «J'ai entendu tellement d'histoires, des filles qui utilisent des bouts de matelas en mousse, des papiers journaux ou même du coton hydrophile», regrette l'entrepreneuse. Les serviettes lavables seraient aussi un moyen de contrer l'idée que les règles sont sales, colportée, selon elle, par les protections jetables. Sur la durée plus rentables que les protections jetables d'après la créatrice, les kits représentent quand même un budget important pour ce pays (équivalent de 9 à 15 euros en francs CFA). 1500 kits ont donc été distribués dans plusieurs écoles du pays par l'Unicef et 2000 autres devraient encore l'être cette année pour contrer la précarité menstruelle.
Et aussi… sur le débat du burkini, un collectif d'universitaires estime que les femmes sont capables de décider elles-mêmes du choix et de la signification d'une tenue vestimentaire ; la diminution de la vie sexuelle des femmes après la ménopause est aussi liée à la santé du conjoint.
Vie privée, famille
Les femmes plus exposées au surendettement
54,3% des 155 000 dossiers de surendettement déposés à la Banque de France en 2018 l'ont été par des femmes, seules ou conjointement. Une étude publiée par la banque centrale française le 19 juillet met en évidence la concentration des procédures de surendettement au fil des années sur les personnes plus fragiles financièrement, notamment les femmes seules avec enfants. Parmi les femmes ayant déposé un dossier de surendettement, 39% étaient dans une situation financière qualifiée d'«irrémédiablement compromise», c'est-à-dire qu'elles sont susceptibles d'être orientées vers un effacement de la dette. 29% étaient cheffes de familles monoparentales contre 4,1% d'hommes.
Les Echos rapportent qu'«à composition du foyer équivalente, la probabilité qu'une femme se trouve dans une procédure de rétablissement personnel est systématiquement plus importante que pour un homme, et augmente avec le nombre d'enfants à charge». Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité : le non-versement des pensions alimentaires par le conjoint, les inégalités salariales ou encore la monoparentalité.
Et aussi… La présentation en Conseil des ministres du projet de loi bioéthique qui doit ouvrir la PMA à toutes les femmes et la position des associations homoparentales et LGBT+ qui déplorent son caractère «discriminatoire et stigmatisant» en matière d'établissement de la filiation ; un Checknews sur le taux de recouvrement des pensions alimentaires.
Education
Des jouets non sexistes pour plus de femmes ingénieures
L'appel peut sembler étonnant mais n'en est pas moins sérieux. La secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, a appelé la filière du jouet à «faire reculer les stéréotypes de genre dans l'univers des jouets» pour favoriser la mixité femmes-hommes dans le métier d'ingénieur, rapporte les Nouvelles News. «Le défaut d'orientation des jeunes filles se joue dès l'école primaire et il est urgent pour la compétitivité de nos entreprises de développer dès le plus jeune âge l'appétence pour la science et les technologies, tant chez les petites filles que les petits garçons», a-t-elle souligné. Comme le note le média, les filles représentent moins d'un tiers (27,2%) des effectifs des écoles d'ingénieurs.
Alors que dans les magasins la question du genre prédomine généralement sur celle des centres d'intérêt, la secrétaire d'Etat souhaite des «jeux scientifiques aussi attractifs pour les filles que les garçons». A l'issue de cette réunion avec la filière du jouet, une charte de bonnes pratiques a été établie dans laquelle grandes enseignes de distribution et fabricants s'engagent à lutter contre les stéréotypes dans les produits eux-mêmes, les points de vente et dans la communication. Parmi les points d'amélioration, les vendeurs devront s'engager à «mieux mettre en valeur les jouets scientifiques en direction des garçons et des filles». Les entreprises devront aussi «former les personnels en contact avec le public afin qu'ils n'introduisent pas de biais genrés dans leurs conseils à la clientèle». La communication pour la période de Noël, encore bien trop soumise aux stéréotypes de genre, devra aussi être élaborée en collaboration avec le CSA. Verdict dans quelques mois dans les prochains catalogues et spots télévisés. On espère y voir plus de fillettes scientifiques que de petites ménagères ou princesses.
Sexisme
A la suite de propos sexistes, le dalaï-lama s’excuse
«Des sincères excuses». C'est ainsi que le dalaï-lama est finalement revenu sur ses propos tenus lors d'une interview accordée à la BBC. Le 27 juin, il déclarait : «S'il y a une femme dalaï-lama, elle doit être plus attirante [que moi].» Ce jour-là, l'intervieweuse lui rétorque que la personnalité prévaut sur le physique. Ce à quoi il répond : «Les deux [comptent], je pense.» Deux jours plus tard, le 2 juillet, son bureau publiait un communiqué de presse en précisant qu'«il arrive parfois que des remarques spontanées, qui peuvent être amusantes dans un contexte culturel donné, perdent leur caractère humoristique dans la traduction».
Le texte précise aussi que tout au long de sa vie «sa Sainteté s'est opposée à ce que la femme soit traitée comme un objet, a soutenu les femmes et leurs droits et s'est félicitée du consensus international croissant sur le soutien à l'égalité des genres et au respect des femmes». Mais ce n'est pas la première fois que le chef spirituel tibétain tient ce genre de propos sexistes. En 1992, il avait déjà fait cette remarque auprès d'une rédactrice en chef du magazine Vogue. Une blague, selon ses services.
Et aussi… La démission en tir groupé au Haut Conseil à l'égalité en signe de protestation face à l'absence d'universitaires femmes au sein de l'instance et une tribune à ce sujet.
Libertés
Une militante ougandaise en prison pour un poème contestataire évoquant un vagin
En Ouganda, la militante et intellectuelle féministe Stella Nyanzi est enfermée depuis déjà huit mois en prison. Son tort ? Avoir eu l'audace d'écrire et de poster sur Facebook un poème critiquant le président ougandais, Yoweri Museveni, et sa politique de répression. Des écrits contestataires et parlant de vagin, rapporte Terra Femina. Elle écrivait notamment : «Je voudrais que la décharge infecte brun sale inondant la chatte de ta mère t'ait étouffé à mort/ Qu'elle t'ait étouffé tout comme tu nous étouffes avec l'oppression, l'interdiction et la répression.» Ce sont ces «propos offensants» qui lui valent d'être sous les verrous. Si les paroles sont chocs, elles s'inscrivent dans une stratégie rhétorique employée par les activistes ougandais sous le régime colonial : «l'impolitesse radicale». L'objectif : déstabiliser les puissants en utilisant tactiquement l'injure publique. Par l'évocation du vagin de la mère du président, Stella Nyanzi «exprime sa rage à l'égard du pouvoir abusif d'un "leader" qui reste sourd aux droits des femmes», note le média.
Lors de sa comparution au tribunal le 9 juillet, l'activiste a expliqué sa démarche : «Sauf si vous agrippez fort et que vous serrez fort, ils n'écoutent pas.» Le sujet principal de cette comparution : «vagin» est-il un terme «obscène» voire «pornographique» ? Une thèse défendue par l'avocat Charles Dalton Opwonya, membre du comité ougandais de lutte contre la pornographie. «Un vagin peut être sale si vous ne le lavez pas», a-t-il notamment argumenté. La militante a commencé à présenter sa défense la semaine du 8 juillet. Et Stella Nyanzi n'en est pas à son premier coup d'éclat. En 2017, elle a comparé le président Museveni à une «paire de fesses», et qualifié la première dame, ministre de l'Education, de «truie paresseuse». Elle reprochait à la ministre de ne pas avoir tenu sa promesse de campagne visant à rendre gratuites les protections hygiéniques pour les jeunes filles scolarisées. L'affaire avait été classée sans suite.
Et aussi… A Dubaï, des princesses fuient leur émir ; le portrait d'Anaïs Bourdet, créatrice de Paye ta Shnek ; le portrait de Marie-Claire Chevalier accusée au procès de Bobigny en 1972 pour un avortement illégal subi à la suite d'un viol ; la récente renaissance du mouvement écoféministe né dans les années 80 ; le portrait de Françoise d'Eaubonne, à l'origine du concept d'écoféminisme ; la réparation de vélos un nouvel étendard féministe ; une tribune sur les destins croisés de deux femmes puissantes, Carola Rackete et Greta Thunberg ; l'interview de la philosophe américaine Nancy Fraser pour qui le combat féministe restera inachevé s'il néglige les rapports de domination entre les classes ; décryptage des thèses défendues par les féministes marxistes ; Olympe de Gouges, Emilie du Châtelet, Aliénor d'Aquitaine notre série d'été sur les femmes de la liberté ; Pénélope Bagieu récompensée par le Comic-Con pour sa BD «Culottées».
Travail
Objectif 40% de femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises
Les femmes doivent se rapprocher du pouvoir. C'est ce que préconise l'Institut Montaigne, dans un rapport sur la parité publié en juillet. Il formule neuf propositions. Parmi elles : inciter les entreprises les plus puissantes, les sociétés du CAC 40 et 80 autres, à la mixité avec un objectif de 40% de femmes au sein des instances exécutives. Pour appuyer cette proposition, les auteurs citent une autre étude réalisée par McKinsey qui révèle que sur un échantillon de 300 entreprises dans le monde, celles qui comptent le plus de femmes dans leurs instances de direction sont à 47% plus rentables que celles qui n'en ont aucune. Au-delà de l'égalité femmes-hommes, c'est donc la performance économique des entreprises qui est ici mise en perspective.
Cela dit, on est encore loin de cet objectif de 40%. Encore aujourd'hui, les instances de direction des entreprises de l'indice SBF 120 (les 120 plus grosses entreprises françaises) ne comportent que 17,7% des femmes, rapporte Challenges. Au niveau mondial, «17,9% des sièges des conseils d'administration dans le monde sont occupés par des femmes et une entreprise sur cinq fonctionne avec un conseil d'administration exclusivement masculin», selon l'indice boursier mondial MSCI ACWI. Comment l'explique-t-on ? En cause, les stéréotypes de genre véhiculés dès l'école.
Et aussi… La mobilisation des femmes de chambre qui dénoncent le «blabla» de la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes ; Orange qui signe un accord mondial sur l'égalité femmes-hommes ; les témoignages de trois femmes sur leur passage à la retraite ; le maire d'Amsterdam prône la fermeture des vitrines dans le quartier rouge pour répondre à l'attitude inadaptée de touristes envers les travailleuses du sexe et lutter contre le trafic humain.
Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans «Libé»
• 56 000 hommes partageaient sur un groupe Facebook intitulé «Femmes indignes», des photos dégradantes de femmes nues, accompagnées de commentaires violents et injurieux. La brigade de répression de la délinquance sur la personne a été saisie. A lire sur 20 minutes.
• Dans un couple hétérosexuel, la femme supporte la majorité du parcours d'assistance à la procréation. Et ce, même si les problèmes de fertilité proviennent de l'homme. Un poids qui peut être très lourd à porter pour ces femmes, souligne Slate dans un article.
• Auteure d'Une Culture du viol à la française (on vous en parlait ici), Valérie Rey-Robert explique dans une interview à Street Press pourquoi selon elle la drague est antiféministe.
• Alors que la contraception est encore majoritairement prise par les femmes aujourd'hui, les Inrocks ont rencontré des hommes utilisant la contraception masculine.
• A l'occasion des 50 ans de la mission Apollo 11, France Culture rediffuse le portrait de Margaret Hamilton, qui a permis à l'homme d'atterrir sur la Lune en aidant au développement des logiciels de la mission.
• Slate a consacré un long article à la sexualisation des adolescentes dans la société japonaise, un symptôme des rapports de genre particuliers dans ce pays.
• Un rapport de la FAO (l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) alerte sur la progression de la faim dans le monde dont les femmes, souvent agricultrices, sont les premières victimes. A lire sur Nouvelles News.
• Une tribune publiée dans le Monde portée par la présidente de la Société des agrégés, Blanche Lochmann, dénonce les inégalités femmes-hommes dans l'Education nationale : «La carrière des femmes est loin de ressembler à celle des hommes.»
• Un sondage Ifop réalisé auprès de 5000 femmes dans cinq pays d'Europe révèle que les Françaises se jugent moins jolies que leurs voisines européennes et ont tendance à se déprécier par rapport à leur conjoint. A lire sur Nouvelles News.