Du principe de l’offre et de la demande appliqué au corps humain. Et plus précisément aux greffes d’organes. L’enquête réalisée en Egypte que nous publions ce vendredi lève un voile sordide sur la pratique de greffes clandestines, effectuées la plupart du temps dans des hôpitaux ou cliniques huppés, au profit d’une clientèle aisée. Les donneurs ? Ils sont issus des couches les plus défavorisées de la population, notamment immigrée, proie malheureusement facile des réseaux plus ou moins mafieux où se mêlent passeurs, intermédiaires et médecins véreux. Ainsi, Alghaliy, 29 ans, Soudanais, a laissé un rein contre la promesse de 4 500 euros qu’il espérait être un sésame pour son rêve d’Europe. Abandonné à son triste sort une fois l’opération réalisée, il n’exclut pas de subir une seconde opération pour… se payer le voyage du retour vers son Soudan natal. Triple peine d’un misérable des temps modernes : déchirement de l’exil, amputation du corps, arrachement mental face à l’impasse d’une vie. Ces pratiques illicites à vomir sont bien sûr très minoritaires. Elles constituent la face noire d’un «marché» de la greffe sous tension (la demande explose) mais tout de même de mieux en mieux régulé au niveau mondial. Il n’empêche, le chiffre de 10 % de greffes réalisées sous le manteau, dans des conditions sordides et sur des marchés parallèles, circule. Et si la vigilance des organisations internationales s’accentue, dans les régions en guerre, dans les pays où des régimes obscurantistes voire dictatoriaux sévissent, dans des zones où le tourisme médical se développe, le commerce plus ou moins légal, plus ou moins éthique d’organes prospère toujours. Avec une constante : les plus riches en sont les principaux bénéficiaires, les plus démunis les principales victimes, prêtes à céder un rein ou un poumon pour continuer d’avoir à cœur de survivre.
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