Ce sont les sous-prolétaires d'aujourd'hui, ils gagnent un salaire de misère pour un travail ingrat et même dangereux puisqu'on leur demande de livrer de plus en plus vite avec tous les risques que cela entraîne. Les livreurs de plateformes (Deliveroo, Frichti, Uber, etc.) en ont assez d'être les esclaves de la nouvelle économie et ils entendent bien s'organiser pour peser sur des entreprises qui profitent de l'absence d'organisations syndicales dans ces métiers qui n'existaient pas il y a dix ans encore. Ces entreprises, on les connaît tous, beaucoup ont recours à elles à divers moments de la journée sans même y songer tant elles font désormais partie de notre vie quotidienne. Elles ont tissé leur toile dans le monde entier, devenant transnationales et contournant allègrement les lois nationales. Elles utilisent des armées de livreurs, souvent très jeunes et pour beaucoup dans un état de grande précarité. Ils ont pendant longtemps accepté leurs conditions, faute de mieux sur un marché du travail très contraint. Mais trop c'est trop : la récente décision de Deliveroo de baisser drastiquement la rémunération des courses courtes a fait voler en éclats ce calme fragile et poussé un collectif de livreurs (Clap) à mettre la pression sur ces employeurs sans scrupule via, notamment, un mouvement de grève, grande première. Ils seraient fondés à s'inspirer de la longue bataille d'un syndicaliste américain qui, en lançant le slogan «Fight for Fifteen» (se battre pour 15 dollars l'heure), a fait converger avec succès les luttes des salariés de McDo à travers le monde (lire pages 4-5). Il peut sembler paradoxal que ce mouvement émerge alors que les syndicats, en France, continuent à perdre des adhérents et du poids politique. C'est peut-être juste le signe que, face aux avatars de la mondialisation, il est grand temps de changer de logiciel et d'imaginer de nouvelles formes de luttes.
Éditorial
Eclats
publié le 6 août 2019 à 21h06
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