C'est «le dossier le plus difficile» du moment pour la diplomatie française, de l'aveu même de l'un de ses artisans. Et il est en train de créer des remous entre Paris et Washington. Jeudi soir, Donald Trump a dit sur Twitter tout le mal qu'il pensait de la médiation française sur l'Iran : «L'Iran a de graves problèmes financiers. Ils veulent désespérément parler aux Etats-Unis, mais ils reçoivent des signaux contradictoires de tous ceux qui prétendent nous représenter, notamment le président français Macron. Je sais qu'Emmanuel pense bien faire, tout comme d'autres, mais personne ne s'exprime au nom des Etats-Unis à part les Etats-Unis eux-mêmes.»
Dans son style habituel, le président américain faisait manifestement référence à des informations parues cette semaine dans la presse. Le site d'informations Al Monitor, généralement bien informé sur les intrigues téhéranaises, a révélé qu'Emmanuel Macron avait proposé à son homologue iranien Hassan Rohani de venir au sommet du G7 organisé à la fin du mois à Biarritz. Refus du président de la République islamique et démenti sec de l'Elysée, qui a transmis le message en direct à John Bolton, le très faucon conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump.
Tout en niant à nouveau cette invitation, une source diplomatique française assure, en échos au tweet de Trump : «On ne parle que pour nous-mêmes. Nous agissons conformément à nos intérêts et à notre sécurité nationale.» Et ajoute : «On ne fait pas de diplomatie sur Twitter.» Vendredi, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a répondu très officiellement aux piques de Donald Trump : «Sur l'Iran, la France (…) s'engage pour permettre une désescalade des tensions et elle n'a besoin d'aucune autorisation pour le faire.»
Même si l’Elysée refuse de parler de médiation, la France s’est bel et bien engagée pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), adopté à Vienne en 2015 par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne. Emmanuel Macron s’entretient régulièrement, et parfois longuement, au téléphone avec Hassan Rohani. Son conseiller diplomatique, Emmanuel Bonne, s’est rendu deux fois à Téhéran ces dernières semaines.
Pressions croissantes
La France n’a pas pris la roue de l’administration américaine et sa politique de pression maximale. Dernière illustration : alors que Washington entend lancer une opération militaire pour sécuriser le Golfe persique et le détroit d'Ormuz, théâtre de fortes tensions depuis le mois de mai, Paris n’entend pas y participer. Tout comme l’Allemagne, d’ailleurs, qui a sèchement décliné, mais au contraire de la Grande-Bretagne, qui s’y est rallié alors qu’elle souhaitait d’abord lancer une initiative européenne.
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Paris reste persuadé que l'accord de Vienne peut encore être sauvé, et en fait sa priorité, malgré les pressions croissantes. L'Iran a commencé à y déroger fin juin, en dépassant le seuil d'uranium légèrement enrichi conservé sur son territoire, puis début juillet, en enrichissant légèrement au-dessus de la limite autorisée. Le directeur de l'agence de l'énergie atomique iranienne a prévenu que de nouvelles clauses ne seraient plus respectées à partir du mois de septembre, sans dire lesquelles.
Sanctions américaines
La partie, qui se présente mal, est-elle perdue d'avance ? Paris veut croire que non. Trump, tout comme son chef de la diplomatie Mike Pompeo, répète qu'il veut un accord, objectif officiel de sa politique de «pression maximale». Le sénateur républicain Rand Paul, a d'ailleurs tenté une ouverture, avec la bénédiction de Trump, en invitant à la Maison blanche le ministre des Affaires étrangères iranien, lors de sa récente visite aux Nations unies. Mohammad Javad Zarif a décliné, et s'est retrouvé quelques jours plus tard sur la liste des sanctions américaines.
Dans la région, la situation bouge : les Emirats Arabes Unis, pourtant très proches de l’ennemi juré de l’Iran dans la région, l’Arabie Saoudite, ont envoyé un haut responsable à Téhéran pour discuter de la sécurité dans le Golfe persique. Les Emirats ont aussi décidé de réduire leur présence au Yémen, où l’Iran soutient les rebelles houthis, en guerre contre Riyad.