La crise au Cachemire s’est invitée à Biarritz en marge du G7, Emmanuel Macron ayant évoqué la situation lors de sa rencontre avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, jeudi soir, à la veille du sommet. Mais publiquement, le président français a simplement affirmé que «la France demeurait attentive à ce que les droits des populations civiles soient pris en compte au Cachemire». Plus courageuse, l’administration américaine a déclaré que Donald Trump allait demander ce week-end au dirigeant indien «comment il prévoyait d’assurer le respect des droits de l’homme au Cachemire». Un groupe d’experts de l’ONU a quant à lui condamné ces «restrictions disproportionnées» qu’il a qualifiées de «punition collective» contre toute la population de la province.
Pour les acteurs de la crise, la tension demeure. «Le 5 août, le gouvernement a tué la démocratie au Cachemire.» Le ton de Shehla Rashid, politicienne cachemirienne, est posé, comme pour cacher une colère qui gronde. Ce jour-là, New Delhi a abrogé l’autonomie du Jammu-et-Cachemire, transformant sa partie musulmane, la vallée séparatiste du Cachemire, en «une prison à ciel ouvert» : les communications mobiles et Internet y sont coupées, les services postaux interrompus et des dizaines de milliers de soldats restreignent les mouvements par d’incessants barrages militaires.
Une répression «inédite», affirme Shehla Rashid, secrétaire générale du mouvement populaire du Jammu-et-Cachemire, qui réside ces jours-ci à New Delhi, pour échapper à la répression. «Généralement, quand des violences ont lieu, l’Internet mobile est interrompu pendant un ou deux jours dans certaines parties du Cachemire. Mais c’est la première fois que toutes les formes de communication sont coupées pendant aussi longtemps.» Cette militante de 31 ans rassemble donc les témoignages et, quand elle les juge crédibles, les diffuse sur son compte Twitter, pour alerter sur la situation. «L’armée entre chez les gens la nuit et enlève les jeunes hommes, saccage les maisons et les réserves de nourriture», relate-t-elle.
Ces accusations ont été démenties par l’armée, qui y voit de la désinformation. Depuis le début, le gouvernement mène une opération de propagande, assurant que tout est «calme», alors que des vidéos diffusées par des médias étrangers montrent des protestations violentes. Les journalistes étrangers n’ont pas l’autorisation de se rendre au Cachemire et leurs confrères indiens subissent une forte pression pour s’en tenir à la ligne officielle. Depuis le 5 août, tous les hommes politiques du Cachemire, en dehors des membres du BJP, le parti nationaliste hindou au pouvoir à New Delhi, ont du reste été arrêtés.
Pour le gouvernement, la coupure des communications a pour but d’empêcher l’organisation de manifestations violentes au lendemain de l’abrogation soudaine de l’autonomie. L’arrestation des politiciens locaux, elle, serait réalisée afin d’éviter toute contestation et de couper les voies de financement pakistanais du séparatisme.