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Libération
Reportage

L’ayahuasca, liane de folie

publié le 26 août 2019 à 20h26

On la connaît désormais partout sous le nom d’«ayahuasca», littéralement «la liane des morts» en quechua. Cette préparation - obtenue par la décoction de certaines plantes qui prolifèrent en Amazonie - exerce une fascination mondiale. En juin, une conférence sur le sujet réunissait à Gérone 1 200 participants, dont des spécialistes du monde entier.

Consommée sous la forme d’une infusion brune au goût amer, elle favoriserait l’introspection et la découverte de soi grâce à son pouvoir psychoactif. Une expérience de plus en plus prisée par les Occidentaux, qui s’adonnent au «tourisme chamanique» ou importent la décoction, le plus souvent illégalement.

C'est dans le cadre de cérémonies rituelles qu'est préparée l'ayahuasca. Cette pratique ancestrale est centrale dans la culture des populations amazoniennes. Des religions la placent au centre de leur culte. «L'intérêt incroyable pour l'ayahuasca permet à l'Occident de redécouvrir la richesse des cultures indigènes»,  affirme Adolf Sanz, du mouvement religieux Santo Daime.Pour la science et les autorités, l'ayahuasca se réduit bien souvent aux visions hallucinogènes qu'elle provoque. Elle ne fait pourtant pas courir de risque d'addiction ou d'overdose.

«Prendre de l'ayahuasca hors d'un encadrement, d'une cérémonie, sans chaman expérimenté, n'a pas tellement de sens» , explique Carlos, un chaman colombien. Une allusion à peine voilée aux écueils d'un tourisme en vogue : non sécurisé, avec chamans improvisés et des visiteurs pressés d'avoir des visions. Au Pérou, pays où elle est considérée comme appartenant au patrimoine culturel, un centre dirigé par le Français Jacques Mabit inclut l'ayahuasca dans le traitement de la toxicomanie : «J'ai étudié des cas lourds. Le succès n'est pas toujours au rendez-vous. Mais [elle] permet d'accéder à des traumatismes profondément ancrés.» Les données sont rares mais dans des villes comme Iquitos, 15 millions d'euros entreraient chaque année dans les quelque 70 centres semblables, la plupart tenus par des Occidentaux.

Son commerce est interdit presque partout, même si sa consommation est régulée dans le cadre religieux au Brésil, au Canada et aux Etats-Unis. Cela n’empêche pas la demande d’exploser, obligeant les cueilleurs à s’enfoncer toujours plus loin dans la forêt pour récolter les précieuses plantes.