Au lendemain d'un G7 assez largement célébré comme un succès, Emmanuel Macron a longuement développé sa vision géopolitique devant l'ensemble des ambassadeurs de France, réunis à l'Elysée pour l'ouverture de leur «conférence» annuelle. Sur son nuage diplomatique, il a expliqué avec emphase, pendant plus de deux heures, comment la France devait, selon lui, répondre aux défis contemporains : «fin de l'hégémonie occidentale», «ensauvagement du monde», accroissement des inégalités, révolution technologique et «grand bouleversement écologique». Le sommet de Biarritz a-t-il été «un succès complet» ? «L'avenir le dira», a noté Emmanuel Macron dans l'un des rares moments d'humilité de son discours. Mais avec un Donald Trump apparemment dompté – au moins, le temps d'un week-end – il croit pouvoir affirmer que ce G7 aura été «calme et utile», ce qui n'était pas arrivé «depuis longtemps».
«La stratégie de l’audace»
A l'occasion de ce vaste passage en revue de la politique étrangère macronienne, les diplomates français ont été invités à «retrouver l'esprit des Lumières et de la Renaissance» et à renouer avec «l'humanisme» et la «vocation universelle» propre à l'esprit français. «Je mesure l'ambition d'un tel projet», a bien voulu reconnaître le chef de l'Etat. Mais selon lui, la France et l'Europe n'auraient pas d'autre choix que de faire preuve d'audace. «Je ne crois qu'à une chose : la stratégie de l'audace», a-t-il martelé avant de détailler comment il entendait «repenser», «revisiter» ou encore «réinvestir» les relations avec les puissances, grandes et petites, de la planète.
Il a tout particulièrement insisté sur la Russie et sur la «profonde erreur» commise par ceux qui l'ont «poussée loin de l'Europe» après la chute du mur de Berlin. En termes à peine voilés, il s'est fait menaçant à l'endroit des diplomates qui pourraient être tentés de «laisser parler le Président» sans tenir compte de ses propos… «Je vous déconseille cela», a-t-il ajouté. «Nous sommes en Europe et la Russie aussi», a souligné le Président, après son long développement sur une «refondation de la civilisation européenne».
A partir de cette évidence, le constat d'Emmanuel Macron est que «si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d'utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile, nous continuerons d'avoir des conflits gelés partout en Europe, à avoir une Europe qui est le théâtre d'une lutte stratégique entre les États-Unis et la Russie, donc à avoir des conséquences de la guerre froide sur notre sol». Le lien à «repenser» ou «revisiter» avec la Russie selon les termes récurrents de son discours a été présenté comme exemple de la nouvelle diplomatie qu'il prône, n'en déplaise à «l'Etat profond» parfois tenté d'ignorer la parole présidentielle.
Nouveau sommet sur le conflit ukrainien
Evoquant face à ses ambassadeurs, dont certains ont dû encaisser le coup, «les habitudes et les dogmes» sur lesquels s'est appuyée la diplomatie française pendant des décennies, il a estimé qu'ils n'étaient plus valables pour tenter de rebâtir un ordre mondial nouveau. S'agissant de la «place inédite» prise par la Russie ces dernières années dans tous les conflits – en Syrie, en Libye, et en Afrique –, Emmanuel Macron a estimé qu'il fallait y voir la conséquence des «faiblesses» et des «erreurs» des Occidentaux.
Quant à l'Ukraine, principal obstacle d'une normalisation de l'Europe avec la Russie, le président français a réitéré «la condition préalable indispensable» d'une solution sur la base des accords de Minsk. Il avait annoncé lundi, au cours du sommet du G7 de Biarritz, l'organisation en septembre d'un sommet réunissant les dirigeants ukrainiens, russe, allemand et français.
Une semaine avant le sommet de Biarritz, le président français avait reçu son homologue russe dans sa résidence d'été de Brégançon. A cette occasion, il lui a dit sa conviction que la stabilité du continent européen passait par la pacification des relations avec Moscou. Dans la foulée, il avait jugé «pertinent» que la Russie puisse «à terme» rejoindre le G7, reformant ainsi le G8.
Le chef de l'Etat a certes atténué à plusieurs reprises son élan pressant vers la Russie : il convient d'avancer «pas à pas», sans négliger aucune des «conditions profondes» au rapprochement. Dans les minutes qui ont suivi ses déclarations, elles figuraient en tête sur le site de la chaîne d'information russe RT en français sous le titre : «Il faut rebattre les cartes dans un dialogue franc et exigeant avec la Russie».