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Brésil

Les propriétaires terriens, pyromanes en réunion

Selon la presse locale, une opération incendiaire concertée aurait eu lieu dans l’Etat du Pará le 10 août. Les producteurs ruraux utilisent le défrichage pour étendre leurs cultures.
Les feux de forêt dans l'Etat de Pará dégagent d'énormes nuages de fumée, au Brésil, le 23 août. (VICTOR MORIYAMA/Photo Victor Moriyama. Greenpeace. AFP)
publié le 27 août 2019 à 20h56

Plusieurs internautes ont parlé sur Twitter d'un «jour du feu», action qui aurait été organisée par des propriétaires terriens dans l'Etat du Pará au Brésil, où se trouve une partie de l'Amazonie, pour incendier des parcelles de forêt le long de l'autoroute BR-163. Ce jour du feu a-t-il réellement eu lieu ? La question a été posée au service CheckNews de Libération.

Dans deux articles publiés le 25 août, le site internet de l'émission de télévision brésilienne Globo Rural confirme l'organisation d'un jour du feu dans les environs de Novo Progresso, relayant les révélations du quotidien régional Folha do Progresso. D'après Globo Rural, 70 personnes - «producteurs ruraux, commerçants et grileiros [voleurs de terres, ndlr]» - des villes de Novo Progresso et Altamira ont coordonné une action pour incendier les bas-côtés de la BR-163, le 10 août, via un groupe de discussion créé sur la messagerie WhatsApp. Entre 70 et 80 personnes feraient partie du groupe baptisé «Sertao», du nom de l'entreprise d'agrobusiness d'un des membres, Ricardo de Nadai. Parmi les autres participants figureraient des propriétaires de supermarché et des fazendeiros (grands propriétaires).

Globo Rural s'est en outre procuré un rapport du ministère public fédéral de l'Etat du Pará envoyé à l'Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama), qui dépend du ministère de l'Environnement. Daté du 7 août, ce document met en garde contre le projet de producteurs ruraux de déclenchement d'incendies près de Novo Progresso. Le texte évoque aussi un plan d'urgence en cas de «confirmation de cet événement». Après la publication des articles de Globo Rural, le ministre de l'Environnement, Ricardo Salles, a réagi sur Twitter dimanche, indiquant que le président du Brésil, Jair Bolsonaro, avait décidé d'ouvrir une enquête sur les faits relatés.

Lundi, la page internet de Globo Rural apportait de nouvelles précisions. La cible des incendiaires du groupe aurait été la forêt de Jamanxim, une réserve de biodiversité protégée mais très convoitée par les défricheurs. Le site ajoute qu'au moins quatre participants auraient fait de la prison pour des délits contre l'environnement. L'initiative porte la marque des grileiros, qui accaparent des terres publiques grâce à de faux actes de propriété.

Le journal local de la ville de Novo Progresso, Folha do Progresso, avait dévoilé le premier des informations sur le jour du feu dans un article publié le 5 août. Le journaliste du quotidien avait rencontré des agriculteurs et des éleveurs de la région que traverse l'autoroute BR-163, un axe nord-sud de près de 3 600 km, vital pour l'écoulement des marchandises produites dans le Mato Grosso et le Pará. Les éleveurs de Novo Progresso auraient déclaré au reporter avoir fixé au 10 août la date pour allumer des «feux de défrichement». Une action décidée dans le but d'attirer l'attention des autorités sur le fait que le développement des cultures se faisait «sans aide gouvernementale dans la région». «Nous voulons montrer au président Bolsonaro que nous avons besoin de travailler et que la seule solution est l'abattage d'arbres. Et pour nettoyer les terres, l'unique moyen est le feu», peut-on lire dans l'article.

Ces informations ont ensuite été reprises par le quotidien national Folha de São Paulo, qui accompagne d'une carte son article sur le sujet, reprise sur les réseaux sociaux. Cette image prise par un satellite de la Nasa, que l'on peut retrouver sur le site de l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (Inpe), montre les feux dans la région de Novo Progresso autour de la route BR-163, entre le 10 et le 11 août. Si l'on compare cette carte à celle des 8 et 9 août, on s'aperçoit que le nombre de feux déclarés dans la région est effectivement plus important les 10 et 11 août, même s'il est impossible d'établir formellement un lien avec le jour du feu. Dans son article sur le sujet, Globo Rural écrivait que «le 10 août, le nombre d'incendies avait soudainement augmenté en Amazonie».