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Ménopause, offres d’emploi genrées, bébés à l’Assemblée : août dans la vie des femmes

Un mois dans la vie des femmesdossier
Des personnes réagissant au mouvement #UneMinuteDeSilencePourElles, la pub de Philadelphia interdite pour sexisme en Grande-Bretagne, la députée kényane Zuleika Hassan expulsée de la Chambre des représentants après s’être présentée avec son bébé, le coût de la vie étudiante plus important pour les femmes. (AFP et captures d'écran Instagram et Youtube )
publié le 31 août 2019 à 16h14

Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Quarante-huitième épisode : août 2019. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).

Libertés

Au Bangladesh, le mot «vierge» bientôt supprimé des certificats de mariage

C'est une lutte de longue haleine. En 2014, plusieurs associations avaient saisi la Cour suprême du Bangladesh pour que le mot kumari signifiant «vierge» soit retiré des certificats de mariage musulman. Un combat désormais gagné. Un jugement rendu par la Cour suprême le 27 août supprime cette disposition «humiliante et discriminatoire» qui violait la vie privée des femmes, rapporte RFI. Depuis l'introduction de ces certificats de mariage en 1961, la fiancée devait choisir entre trois options : «vierge, veuve ou divorcée». Lorsque le texte complet du jugement sera publié d'ici au mois d'octobre, le terme kumari sera remplacé par obibahita signifiant «non mariée». «C'est un jugement qui nous montre que l'on peut se battre et changer davantage encore la situation des femmes dans le futur», s'est félicité une des avocates qui avait lancé la procédure.

La Cour suprême va même au-delà et ordonne également aux autorités d'introduire les mêmes options «non marié, veuf ou divorcé» pour le futur mari sur ces mêmes certificats. «J'ai célébré de nombreux mariages à Dacca et on m'a souvent demandé pourquoi les hommes avaient la liberté de ne pas révéler leur statut, mais pas les femmes. Je leur ai toujours dit que ce n'était pas dans mes mains. Je suppose qu'on ne me posera plus cette question», a déclaré à Reuters Mohammad Ali Akbar Sarker, un greffier de mariage musulman de Dacca.

Et aussi… les Saoudiennes peuvent désormais sortir du pays sans la permission d'un homme ; George Sand, Louise Michel, Marie-Madeleine Fourcade, retrouvez les portraits publiés ce mois-ci dans notre série «Les femmes de la liberté» ; grande conscience afro-américaine la prix Nobel de littérature Toni Morrison s'est éteinte à l'âge de 88 ans ; certaines marques et célébrités surfent sur la vague du féminisme ; le retour du concept d'émancipation dans le féminisme.

Travail

Ces offres d’emploi trop genrées qui découragent les femmes

61% des femmes associent le genre féminin à des compétences relationnelles. Une femme sur quatre est découragée en rencontrant le mot «exigeant» dans une offre d'emploi et 44% le sont tout autant avec l'adjectif «combatif». Ce sont les quelques chiffres que livre le rapport sur l'importance du langage dans le monde du travail de la plateforme LinkedIn, relayé par Ouest France. On y apprend aussi (sans surprise) que les adjectifs sont féminisés quand il s'agit de secrétariat ou d'assistanat. Une chargée des ressources humaines dans un groupe international et auteure d'un mémoire sur l'égalité professionnelle détaille : «Il est courant d'entendre que les femmes sont douces et à l'écoute, et que les hommes sont responsables.»

Une avancée reste tout de même à noter : l'obligation de faire mention H/F, homme/femme, à la suite de l'intitulé, pour rendre la fiche de poste neutre. Est-ce pour autant suffisant ? Cette spécialiste des RH explique que c'est dans cette direction que le travail doit aussi se faire : apporter une attention toute particulière à l'écriture des annonces pour éviter les discours sexistes. Mais les problèmes de représentations de genre demeurent. Selon elle, «le comportement en entreprise est le reflet du comportement dans la société». Dans la presse aussi, les mots utilisés pour évoquer les femmes et les hommes dans le milieu professionnel diffèrent. «Audacieux» et «combatif» pour qualifier l'homme d'affaires Michael Bloomberg. «Formidable» et «enthousiaste» pour évoquer Oprah Winfrey…

Et aussi… Le récit de quatre jeunes femmes qui racontent leurs mauvaises expériences en tant qu'hôtesses ; la sociologue Gabrielle Schütz sur la faible rébellion des hôtesses face aux comportements inappropriés ; une tribune de la chercheuse Caroline Ibos sur les domestiques, nouvelle classe ouvrière.

Santé

Une opération pour retarder la ménopause de vingt ans

Ce serait une avancée conséquente pour la santé des femmes. Comme le rapporte le Guardian, une procédure médicale devrait permettre de retarder de vingt ans la ménopause, selon le professeur Simon Fishel, spécialiste de la fécondation in vitro (FIV) et fondateur de l'entreprise ProFam proposant cette opération. Déjà pratiquée sur des femmes atteintes d'un cancer pour préserver leur fertilité, elle profiterait à des «milliers de femmes» souffrant de graves soucis de santé (problèmes cardiaques, ostéoporose) causés par la ménopause. Mais pas seulement. Cette opération améliorerait la qualité de vie «de millions de femmes en retardant l'apparition des symptômes les plus courants» comme les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes, la baisse de la libido, les insomnies, l'anxiété et parfois la dépression.

L'intervention consiste à prélever un échantillon de tissu ovarien, qui est ensuite congelé et réimplanté pour compenser la chute du niveau d'hormones. Plus le prélèvement se fait jeune, plus la ménopause pourra être retardée longtemps. Neuf femmes ont pour le moment déjà été opérées. La procédure a quand même un coût, entre 7 000 et 11 000 livres (7 700 à 12 100 euros) et est proposée aux femmes de moins de 40 ans par ProFam. En outre, en retardant ainsi la ménopause, les médecins estiment que cela permettrait de faire des économies substantielles sur les coûts des traitements des symptômes plus ou moins graves de la ménopause. Une nouvelle étude confirme d'ailleurs que les traitements hormonaux prescrits pour lutter contre les effets de la ménopause augmentent le risque de cancer du sein. Un sur-risque qui persisterait jusqu'à dix ans après l'arrêt du traitement.

Et aussi… à Paris, la Maison Rose accueille des femmes atteintes d'un cancer dans un espace loin de celui de l'univers médical.

Sexisme

Au Royaume-Uni, des pubs interdites pour sexisme

Le gendarme de la publicité britannique fait désormais de la lutte contre le sexisme une de ses priorités. Depuis le mois de juin, l'ASA (Advertising Standards Authority, l'Autorité des standards de la publicité) est autorisée à interdire les spots publicitaires qui véhiculent des «stéréotypes sexistes préjudiciables» ou susceptibles de provoquer «une infraction grave ou généralisée», rapporte la BBC. Et les premiers couperets sont tombés. Au mois d'août, une pub de la marque de fromage Philadelphia a été interdite. On y voyait deux pères laissant un bébé sur un tapis roulant d'un restaurant trop occupés à déguster leur fromage frais. 128 personnes s'en sont plaintes auprès de l'ASA. La pub «reposait sur le stéréotype selon lequel les hommes étaient incapables de s'occuper des enfants aussi bien que des femmes, et impliquait que les pères n'avaient pas pris soin des enfants correctement à cause de leur genre», a noté l'ASA auprès de la BBC. Un stéréotype qui nuit aux hommes mais aussi aux femmes puisque l'idée suggérée est que seules les femmes sont capables de bien s'occuper des enfants.

La deuxième pub censurée, signée Volkswagen, montrait notamment deux astronautes masculins dans un vaisseau spatial, un para-athlète masculin toujours effectuant un saut en longueur et une femme assise sur un banc avec un landau. Trois personnes se sont plaintes des stéréotypes sexistes que pouvait véhiculer ce spot en montrant des hommes aventureux en opposition à une femme passive. L'ASA l'avait interdite voilà deux mois, car elle pouvait jouer un rôle dans la «limitation du potentiel humain». Ces nouvelles règles, permettant de «réfléchir à l'effet cumulatif de ces stéréotypes de genre» concernent aussi les pubs radio, celles des médias en ligne et sur les réseaux sociaux.

Et aussi… les activités proposées en centres de loisirs sont souvent empreintes de stéréotypes genrés.

Violences

Sur les réseaux sociaux, du silence en réponse aux féminicides

A l'insupportable égrenage des féminicides perpétrés en France depuis janvier (au 29 août, 99 femmes ont été tuées par leur compagnie ou leur ex), les internautes répondent par le silence. Rien que cet été, elles sont une trentaine à avoir trouvé la mort dans ces circonstances. Face à ce constat, le 15 août, la militante féministe Sofia Antoine, membre du mouvement Femen, a appelé les internautes à respecter une minute de silence pour toutes les victimes et à partager les vidéos sur les réseaux sociaux avec les hashtags #UneMinuteDeSilencePourElles. «Puisque nos cris ne sont pas entendus, imposons un silence assourdissant au gouvernement», écrivait-elle dans un tweet. Interrogée par l'Obs, elle explique : «J'ai lancé ces minutes de silence par désespoir» avec l'objectif d'en finir avec le «déni», notamment celui des autorités. Elle avait déjà essayé de les interpeller via le hashtag #JeSuisFeminicidophobe ou encore en mai lors de l'action des Femen à Paris sur les colonnes de Buren.

«L'élément déclencheur, c'est qu'il y a un Grenelle des violences conjugales qui arrive, qu'on nous demande d'attendre… et que moi, je demande des mesures d'urgence», a-t-elle précisé à l'hebdomadaire. Le mouvement #UneMinuteDeSilencePourElles a eu un certain écho. Plusieurs centaines de femmes et d'hommes ont posté sur Twitter ou Instagram des vidéos d'eux silencieux, le visage fermé ou au contraire exprimant leur rage. Une autre manière de dire stop.

Et aussi… avant le Grenelle des violences conjugales en septembre, plusieurs rassemblements ont alerté sur l'urgence d'agir contre les féminicides ; le financier américain Jeffrey Epstein s'est suicidé alors qu'il attendait son procès pour exploitation sexuelle de mineures ; rouage français du système Epstein, Jean-Luc Brunel est accusé par plusieurs femmes de crimes sexuels alors qu'elles étaient mineures ; la magistrature est toujours réticente à utiliser le terme «féminicide».

Education

Le coût de la vie étudiante plus important pour les femmes

«Le verdict est sans appel.» Selon le dernier rapport de l'Unef pour la rentrée 2019, le coût de la vie étudiante est 118,68% plus élevé pour les femmes. Selon leur calcul, chaque mois les femmes dépensent en moyenne 44,11 euros de plus que les hommes, ce qui revient sur une année à un surcoût de 529,32 euros par an. Une somme non négligeable. Le syndicat relève deux postes de dépenses centraux : la consommation et la santé. «La différence des dépenses ne s'explique pas tant ici par une volonté des femmes de consommer plus mais par les différences de prix qui peut exister entre les vêtements des femmes et ceux des hommes.» Le rapport énumère : sous-vêtements féminins plus chers (70 euros de plus par an qu'un homme), surcoût (aussi appelé «taxe rose») chez le coiffeur ou sur des produits divers, mais aussi coût de l'épilation (150 euros par an). Ce poste de dépense est inclus, puisque l'épilation constitue «une norme sociale à laquelle les femmes sont bien souvent contraintes de se plier.»

Côté santé, le fossé entre femme et homme s'élève en moyenne à 175,32 euros par (14,61 euros par mois). Reste à charge de la contraception (19,20 euros par an en moyenne pour une étudiante sous pilule), consultation chez le gynécologue (37,50 euros par an pour une étudiante sans mutuelle) mais aussi et surtout les coûts entraînés par les règles (minimum 118,62 euros par an pour les protections périodiques et les antidouleurs) alimentent ces inégalités. 270 000 étudiantes sont en situation de précarité menstruelle, selon l'Unef. Le syndicat dénonce ces discriminations de genre et revendique la mise en place de mesures contre la précarité menstruelle et pour l'égalité femmes-hommes : accès à des protections périodiques gratuites sur l'ensemble des sites universitaires et Crous, mais aussi généralisation du chèque-santé permettant une visite annuelle gratuite chez un gynécologue pour les étudiantes en ayant besoin.

Et aussi… Dans Enfances de classe, une équipe de sociologues explore en profondeur comment les inégalités de genre s'instaurent dès la maternelle.

Corps, sexualité

Les cerveaux des femmes réagissent comme ceux des hommes face à la pornographie

C'est le cerveau qui le dit. Contrairement aux idées reçues selon lesquelles la pornographie serait un plaisir d'hommes, une étude scientifique allemande publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Science montre que les femmes sont tout aussi excitées par des images érotiques, comme le rapportent plusieurs médias dont Maxisciences. L'étude menée par le Dr Hamid Noori montre que, face à une image à caractère sexuel, l'activité cérébrale est la même chez les deux sexes. Des études antérieures fondées sur l'autodéclaration montraient au contraire que les hommes étaient plus sensibles aux images pornos que les femmes, avançant l'hypothèse d'une différence dans la façon dont le cerveau traitait les stimuli. Pour arriver à ce constat, l'équipe allemande a analysé 61 études portées sur 1 850 adultes de sexes et d'orientations sexuelles différents. Tous les travaux ont été menés de la même manière : les participants ont passé un scanner durant lequel ils ont regardé des illustrations de la vie quotidienne et des images pornos.

Résultat : les mêmes régions du cerveau sont activées, indépendamment du sexe biologique. «La plupart de ces régions sont associées à la gestion des émotions, de la décision mais également aux circuits de la récompense», a expliqué Hamid Noori au Guardian. Toutefois, si les hommes et les femmes réagissent biologiquement de façon similaire aux stimuli érotiques visuels, les deux sexes ne sont pas égaux face au porno. La différence de consommation serait plutôt d'ordre social. «La sexualité féminine est très stigmatisée […] La raison principale est peut-être que la femme a des effets inhibiteurs secondaires qui l'empêchent d'exprimer ce qu'elle ressent vraiment, a déclaré Hamid Noori. Au moins, notre étude indique que les hommes et les femmes ne sont pas si différents.»

Et aussi… une tribune sur les injonctions à la dépilation, un des plus puissants outils de contrôle du corps des femmes ; Zara présente une mannequin portant du 42-44 comme ronde ; Emily Blaine, auteure de romans sulfureux chez Harlequin, l'a longtemps caché à son entourage.

Vie privée, famille

Quand la vie de famille des député·e·s s’invite à l’Assemblée

Des cris et des bousculades ont provoqué une suspension de séance au Parlement kényan, rapporte France 24 sur son site ce mois-ci. En cause, une députée, Zuleika Hassan, expulsée de la Chambre des représentants après s'être présentée avec son bébé. Le président du Parlement l'a sommée de quitter les lieux, provoquant l'indignation de certains députés et de nombreux internautes. Cette mère de trois enfants n'avait pas eu d'autre choix que d'amener son enfant ce matin-là. «Maintenant que nous demandons plus de femmes au Parlement, il faut créer une atmosphère de travail favorable à la famille», a-t-elle répondu. Sous-entendu : la création d'une crèche. A ce sujet précisément, le Parlement avait décidé en 2013 d'en ouvrir une pour les membres et personnels de l'institution. Depuis, rien n'a été fait. Sur l'égalité femmes-hommes, le Kenya peine à rattraper son retard. La Constitution promulguée en 2010 exige un tiers de femmes à l'Assemblée. Elles ne représentent que 21% en 2019.

A l'autre bout du globe, un nouveau-né a aussi fait parler de lui en s'invitant au Parlement, néo-zélandais cette fois-ci. L'image du président de l'Assemblée donnant le biberon au fils du député travailliste Tamati Coffey, qui présidait un débat, a fait le tour du monde. Une scène symbolique quand on sait que le petit garçon est né en juillet d'une mère porteuse. Deux pays, deux réactions.

Et aussi… une interview de Christelle Dubos, secrétaire d'Etat qui pilote la réforme du recouvrement des pensions alimentaires impayées ; les légendes continuent de prospérer autour de la pilule du lendemain dissuadant certaines femmes de l'utiliser ; pour le Planning familial une amélioration des dispositifs d'information des femmes est nécessaire pour permettre un libre choix des moyens de contraception.

Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans «Libé»

• Dans leur série «Féministes !», le Monde a interrogé six femmes à travers la planète s'engageant pour les droits des femmes, de l'actrice britannique Emma Thompson à la Libérienne Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix.

• Non, les femmes ne seraient pas plus multitâches que les hommes selon une nouvelle étude que rapporte le journal suisse le Temps. Un simple stéréotype de genre pour pousser les femmes à prendre en charge davantage de corvées.

• Alors que de la moitié des femmes n'ont toujours pas accès à des protections périodiques en Inde, films, documentaires et campagnes tentent d'éduquer la population et de casser les tabous sur les règles. A lire sur TV5 Monde.

• Alors que les femmes se sentent souvent plus concernées par les enjeux environnementaux selon certaines études, Slate questionne la compatibilité entre féminisme et écologie. Selon la journaliste, l'impératif écologique prendrait la forme d'une nouvelle charge mentale aliénante pour les femmes.

• Si le G7 était placé sous le signe de l'égalité femmes-hommes, la visite des Premières dames au village d'Espelette a surtout donné à voir des clichés rétrogrades, largement relayés et accentués par les médias. A lire sur TV5 Monde.

• Les applications contre les violences faites aux femmes se multiplient sous la houlette d'associations mais aussi d'entreprises. Un nouveau business ? A écouter (ou lire) sur France culture.

• Dans un mémo circulant en interne, une employée accuse Google de harcèlement et de discriminations en raison de sa grossesse. Numerama vous dit tout ce qu'il y a à savoir sur cette affaire.

• Pendant un an, douze journalistes du Monde ont enquêté sur les féminicides commis en France en 2018. Un premier volet a été publié des cinq meurtres commis à la Réunion.