«Nous sommes face à un ouragan comme nous n'en avons jamais vu dans l'histoire des Bahamas», a déclaré dimanche soir le Premier ministre Hubert Minnis, cité par le Nassau Guardian, lors d'une conférence de presse où il a fondu en larmes. «C'est probablement le jour le plus triste de ma vie.»
Le puissant ouragan Dorian, de catégorie 5, s'est abattu dimanche sur le nord de l'archipel des Bahamas avec des vents frôlant les 300 km/h, des rafales à 350 km/h et des pluies torentielles qui ont fait d'importants dégâts. «Dorian est l'ouragan le plus violent de l'histoire moderne dans le nord-ouest des Bahamas. Conditions catastrophiques dans les îles Abacos», avait annoncé dans l'après-midi le Centre national des ouragans américain (NHC). Il s'agit d'«une situation extrêmement dangereuse pour les Bahamas», pour le directeur du NHC.
Evacuations aux Bahamas
Aux Bahamas, la population (près de 400 000 habitants) se préparait à affronter la tempête depuis mercredi. «Les gens s'inquiètent d'une montée des eaux, tout est tellement plat aux Bahamas», témoigne Lucy Worboys, résidant dans la capitale, Nassau, à l'AFP. La rentrée des classes de ses enfants a été reportée de lundi à mercredi, ou possiblement jeudi, explique-t-elle.
Early scenes of distruction from #Dorian on #GreatAbacoIsland and it is only "halftime" - these video was taken during the passage of the eye, the more violent second half is about to start. pic.twitter.com/7uAg3bpoRt
— 268Weather (@268Weather) September 1, 2019
Les évacuations sont volontaires, mais encouragées : le gouvernement incite la population à se rassembler dans neuf abris à ouragan sur l'île de Grand Bahama, tout au nord de l'archipel, et quinze abris aux îles Abacos, juste à l'est. Il estime que 73 000 personnes et 23 000 habitations pourraient être affectées. «Ceux qui ne veulent pas évacuer se mettent en grand danger. Je vous en conjure : n'essayez pas de braver l'ouragan», a prévenu le Premier ministre, Hubert Minnis.
Dorian est en train de ralentir sa course. «Nous allons parler de cet ouragan toute la semaine», a prévenu le directeur du Centre national des ouragans américain, Ken Graham. Après les Bahamas, sa trajectoire est encore difficile à prévoir. L'ouragan pourrait menacer la côte de Floride, aux Etats-Unis, lundi soir ou mardi.
L’archipel des Bahamas. (Carte OpenStreetMap contributors. Andy Allan. Libération)
Catégorie 5
Dorian est le premier gros ouragan de la saison dans l'océan Atlantique. Avant lui, seul l'ouragan modéré Barry a tourbillonné dans l'Ouest américain à la mi-juillet, et fait quelques dégâts, notamment en Louisiane. Mais Dorian est d'une autre trempe. Surveillé depuis le 23 août alors qu'il longeait les côtes sud-américaines, il n'a fait que forcir et a gravi les échelons jour après jour : dépression tropicale, tempête tropicale, puis ouragan de catégorie 1, 2, 3, 4… Il a atteint la catégorie 5, dernier barreau sur l'échelle de classification, ce dimanche à 15 heures (heure française). Cela signifie que ses vents poussent à plus de 250 km/h. Les dégâts seront considérables sur toutes les terres que traversera Dorian, à l'image des ouragans Irma ou Katrina, douloureux souvenirs de ces dernières années.
«Chasseurs d’ouragans»
Pour surveiller son évolution, la priorité est de collecter le plus d'informations possible sur place. Cela se fait principalement en envoyant des avions en plein dans la tempête, dans de rudes missions commandées par des pilotes spécialisés. Vendredi, par exemple, sept avions de l'Agence océanique et atmosphérique fédérale (NOAA) et de l'armée de l'air, appelés les «chasseurs d'ouragans», étaient prévus dans et autour de Dorian. Ils enregistrent température, humidité, pression atmosphérique, vitesse des vents, et larguent des sondes qui prennent des mesures jusqu'à la surface de l'océan. Des bouées et des ballons météo peuvent aussi être dispersés avant et pendant le passage de l'ouragan.
Ces données de terrain sont complétées par des données venant d’encore plus en haut : de satellites des services météorologiques et de la Nasa. L’agence spatiale américaine a de nombreux satellites orientés vers la Terre. L’un d’eux, Suomi NPP, a ses instruments braqués sur Dorian et donne des informations sur sa structure et sa force, la température au sommet des nuages et les volumes de précipitation.
L’œil de l’ouragan Katrina vu depuis un avion de reconnaissance de la NOAA, en 2005. (Photo NOAA)
Modèles et prévisions
Ces gigaoctets de données provenant des avions et des satellites sont ensuite mis à disposition de l’ensemble des services météo mondiaux, et alimentent des modèles de prévision. Il en existe des centaines. Le modèle européen, développé par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, est reconnu comme le plus précis.
A Miami, une équipe de dix prévisionnistes du Centre national des ouragans (National Hurricane Center, NHC) produit, toutes les trois heures, une prévision détaillée de la trajectoire et de l’intensité des tempêtes naissant dans l’Atlantique. A tout moment, au moins deux prévisionnistes sont de permanence, sur des rotations de huit heures. Ces prévisionnistes utilisent les nombreux modèles météorologiques mondiaux, puis produisent leur propre prévision à partir de ce que les différents modèles indiquent.
La trajectoire de l’ouragan est la priorité absolue des prévisionnistes, et la précision de leurs annonces s’est fortement améliorée depuis les années 70. Aujourd’hui, le centre américain peut annoncer la trajectoire de Dorian avec une précision de l’ordre de 100 milles nautiques (185 km) à trois jours d’avance. En 1993, pour comparaison, on ne savait être aussi précis qu’avec 24 heures d’avance.
Probabilités
En revanche, pour l'intensité des ouragans, les modèles ont fait moins de progrès. Les ouragans sont classés en cinq catégories, principalement selon la vitesse des vents. Et il est difficile de prévoir comment un ouragan va forcir ou au contraire diminuer en puissance dans les jours à venir. En moyenne, l'erreur est d'une catégorie d'écart, soit environ 25 km/h, entre la prévision à trois jours d'avance et les mesures le jour J. C'est pour cette raison que les météorologues publient des probabilités. Par exemple : «Il y a 55% de risque que West Palm Beach en Floride soit frappée de vents dépassant 118 km/h», avec un cône illustrant la course possible de la tempête sur la carte.