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Libération
Vu d'Allemagne

Elections en ex-RDA : l’AfD consolide son pouvoir

La Saxe et le Brandebourg renouvelaient leur Parlement régional dimanche. La percée attendue de l'extrême droite allemande, qui a polarisé les débats, comme les déboires électoraux du SPD, font craindre le pire pour l'avenir de la grande coalition.
Des membres du bureau du parti d'extrême droite AfD après à l'annonce des premiers résultats aux élections régionales en Saxe et dans le Brandebourg, dimanche à Dresde. (Photo Michael Kappeler. AFP)
publié le 1er septembre 2019 à 19h37

C’est un énième coup de tonnerre dans le paysage politique allemand, et les prémices d’un automne agité : l’AfD réalise une spectaculaire poussée aux élections régionales dans le Brandebourg et en Saxe, deux Länder d’ex-RDA. Selon les premières estimations dimanche soir, le parti d’extrême droite a obtenu 27,5% des voix en Saxe, contre 9,7% en 2014. Dans le Brandebourg, il récolte 22,5 % des voix, contre 12,2% en 2014.

Ce sont des scores historiques pour ce parti fondé seulement en 2013, et qui avait recueilli 12,6% des voix lors des élections fédérales de 2017. L’Allemagne entière redoutait ces deux scrutins, tant les scores impressionnants de l’AfD comme les déboires électoraux du SPD font craindre le pire pour l’avenir de la grande coalition.

Nul doute désormais que la hausse importante de la participation a profité, entre autres, au parti d’extrême droite. En Saxe, elle était 35,1% à 14 heures, contre 23,1% lors des dernières élections en 2014. Dans le Brandebourg, elle était de 31,3%, contre 22,4% en 2014.

Si l’AfD effectue ici une impressionnante percée, le parti ne peut pas accéder au pouvoir dans ces deux Länder. La CDU, vainqueure en Saxe, et le SPD, arrivé premier dans le Brandebourg, se refusent à toute coalition avec l’extrême droite. En Saxe la CDU, affaiblie (32% contre 39,4% en 2014), ne peut accéder à une majorité de sièges qu’en s’alliant avec le SPD et les Verts, afin de constituer une coalition dite «kényane», selon les couleurs du drapeau de ce pays (noir pour la CDU, rouge pour le SPD, vert pour Die Grünen).

L’AfD soigne son image de parti «contestataire»

Dans le Brandebourg, aucune majorité n’est possible si le SPD (27,5% des voix) et Die Linke ne s’allient pas avec les Verts qui sont les autres perdants de ces scrutins régionaux (autour de 9% alors que les sondages les créditaient de 14%). Ces coalitions de fortune donneront sans doute lieu à des débats politiques agités. De son côté, l’AfD soigne son image de parti «contestataire», réceptacle des voix des déclassés de l’Est et des lassés de la grande coalition.

Hasard du calendrier, ces élections se sont tenues le jour de la commémoration de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, le 1er septembre 1939. A Varsovie, où il a officiellement demandé pardon aux Polonais, le président fédéral Frank-Walter Steinmeier (SPD) a fait allusion au parti d’extrême droite : «Ce sont les Allemands qui ont commis un crime contre l’humanité en Pologne, a-t-il dit. Quiconque prétend que c’est fini, que le règne de terreur des national-socialistes sur l’Europe est un événement marginal dans l’histoire allemande, se juge lui-même» ; ces mots font référence à une déclaration récente du coprésident de l’AfD, Alexander Gauland, qui affirmait que les années du IIIe Reich n’avaient été qu’une «fiente d’oiseau» dans l’histoire allemande. L’AfD polarise désormais la majorité des débats politiques dans le pays.

Le SPD, qui doit débattre cet automne de son rôle au sein de la grande coalition, craignait par-dessus tout ces élections : les anti-Groko en font un argument de plus pour quitter le gouvernement. D’autant que de prochaines élections régionales pourraient elles aussi ébranler le fragile gouvernement à Berlin : le 27 octobre, un autre Land d’ex-RDA, la Thuringe, renouvelle son Parlement régional, et l’AfD est créditée de 21% des intentions de votes.