Menu
Libération
Éditorial

Incendiaire

publié le 6 septembre 2019 à 21h06

Le message du vieil homme n'a pas varié. Mais l'urgence de l'entendre se fait de plus en pressante. Voilà des décennies que le chef Raoni, 89 ans, défend inlassablement la forêt amazonienne. «Nous avons besoin d'aide», a déclaré à Libération le chef indigène, remobilisé par la catastrophe estivale des incendies qui ont ravagé ce patrimoine mondial de l'humanité. Raoni évoque d'abord la nécessité de sensibiliser et d'éduquer les populations, d'encourager en les finançant les initiatives vertueuses. Mais cette sagesse n'empêche ni la colère ni la fermeté du discours, qui insiste sur la nécessité d'encadrer, surveiller et éventuellement punir tous ceux qui livrent la forêt à la spéculation foncière, se fixent comme seul horizon une course sans fin à la productivité, ou cèdent à la tentation de la corruption, tous ces maux dont souffre le Brésil et qui sont, pour Raoni, à l'origine des feux qui ravagent l'Amazonie depuis plusieurs semaines. La première faillite est celle du pouvoir brésilien, incapable de juguler cette fièvre qui embrase la forêt, souvent qualifiée de poumon de l'humanité. «Incendiaire» est le terme souvent choisi pour caractériser le style Bolsonaro. Comment s'en étonner ? Tout à son entreprise de démolition de l'héritage de prédécesseurs plus sensibles à la question écologiste, le président brésilien détricote soigneusement les dispositifs mis en place pour limiter les défrichements sauvages. Au plus fort des incendies, il n'a opposé que rodomontades et saillies verbales aux propositions de soutien de la communauté internationale. Populiste, il présente comme un progrès la restriction des contrôles. Démagogue, il limoge le directeur de l'institut chargé de mesurer les surfaces incendiées quand il les juge trop importantes. Comme si casser le thermomètre avait jamais permis de faire chuter la fièvre.