Malgré la fenêtre entrouverte lors du sommet du G7 à Biarritz, l'administration Trump poursuit sa politique de «pression maximale». Et Téhéran continue d'y répondre. Le président iranien, Hassan Rohani, a annoncé mercredi soir de nouvelles dérogations à ses engagements prévus par l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 à Vienne avec les grandes puissances. C'est la troisième fois que l'Iran le viole bruyamment en réplique aux sanctions réimposées unilatéralement par les Etats-Unis depuis mai 2018. Cette fois, Hassan Rohani a «donné l'ordre [à l'Organisation de l'énergie atomique iranienne (OEAI)] de prendre toutes mesures nécessaires en matière de recherche et de développement et d'abandonner tous les engagements en place dans ce domaine», a-t-il annoncé, entouré du président du Parlement, Ali Larijani, et du chef du pouvoir judiciaire, Ebrahim Raisi.
Reprendre les recherches en matière de centrifugation
Les Etats respectant encore l’accord, et singulièrement la France qui s’est engagée dans une délicate médiation, espéraient que l’Iran renoncerait à une nouvelle violation. Des messages avaient été passés en ce sens. Les Européens redoutaient surtout que Téhéran enrichisse son uranium à 20 %, une menace agitée un peu plus tôt cette semaine. A partir de ce seuil, il est très rapide d’obtenir de l’uranium hautement enrichi (90 % et plus) nécessaire pour un usage militaire. L’accord fixait la limite à 3,67 %, mais, depuis juillet, l’Iran va jusqu’à 4,5 %.
Finalement, l'exécutif iranien a maintenu l'idée d'une troisième protestation officielle sous la forme d'une nouvelle «réduction de ses engagements», sans retenir l'option la plus radicale. Si la déclaration de Rohani est assez floue, et devrait être précisée samedi par l'OEAI, il s'agit certainement de reprendre les recherches en matière de centrifugation, analyse François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran et fin connaisseur du dossier. «L'Iran utilise surtout un modèle conçu dans les années 70 [appelé IR1] qui a des rendements 40 fois inférieurs aux centrifugeuses les plus modernes. L'accord de Vienne bride le développement de nouvelles centrifugeuses», rappelle-t-il. Ce point de l'accord avait fait l'objet d'âpres discussions. Depuis Téhéran, le Guide suprême, Ali Khamenei, qui a autorisé les discussions sans grand enthousiasme, rappelait régulièrement que le progrès scientifique de l'Iran était inarrêtable et donc, difficilement négociable.
Une violation de l’accord irréversible
Cette nouvelle violation de l’accord ne devrait néanmoins pas produire d’effets concrets avant plusieurs mois, voire une année, considère François Nicoullaud. En revanche, elle est difficilement réversible, contrairement aux précédentes dérogations : le savoir acquis le restera, alors que les kilos excédentaires d’uranium faiblement enrichi peuvent facilement être exportés pour revenir à la limite de l’accord, et la concentration en uranium diminuer rapidement dès lors que l’ordre serait donné.
Manifestement, le président iranien a tenu à marquer le coup, malgré les avancés du mois d’août ayant culminé avec la visite du ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à Biarritz en marge du G7. Donald Trump y avait tenu des propos encourageants et sa langue : aucune déclaration incendiaire sur le dossier iranien, ni alors, ni depuis. Pour autant, son administration n’est pas restée inactive. Au contraire. En une semaine, pas moins de six séries de sanctions ont été prises, directement contre la République islamique ou ses alliés régionaux, d’après le décompte du chercheur à l’International Crisis Group Ali Vaez.
This is the 6th US Iran-related sanctions action in a week:
— Ali Vaez (@AliVaez) September 4, 2019
28/8: Procurement networks
29/8: Hamas financial facilitators
29/8: LEB-based banking network
30/8: Adrian Darya + captain
3/9: Iran space program https://t.co/dPU7bTYjca