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Libération
Reportage

Aigle Azur : à Alger, «des passagers ne sont même pas au courant que leur vol est annulé»

Colère et incompréhension priment parmi les clients de la compagnie française en faillite. Sans certitude sur une date de retour, les clients tentent d’acquérir les rares places disponibles auprès des compagnies concurrentes.
publié le 10 septembre 2019 à 11h01

«On vient de loin, on va peut-être dormir à l'aéroport. On attend de savoir ce qu'il en est vraiment», raconte lundi Sehna, étudiante à Toulouse désappointée. Cliente de la compagnie aérienne Aigle Azur, elle se retrouve, avec sa mère, sans vol retour au départ d'Alger. Faisant face à des difficultés financières, la compagnie aérienne française a annoncé déposer le bilan le 6 septembre et mettre fin à ses vols le soir-même. On estime à près de 13 000 le nombre de voyageurs touchés par la situation. Une fin de vacances pour le moins amère.

Dans l’aéroport Houari-Boumédiène à Alger, les guichets des compagnies reliant la capitale algérienne aux destinations françaises sont bondés. De même pour les bureaux d’enregistrement pour les départs à destination de Paris notamment. Dès l’entrée, le flot de voyageurs détenteurs d’un billet acheté auprès de l’entreprise en faillite sont facilement reconnaissables, tant l’inquiétude peut se lire sur les visages.

«Les autorités françaises doivent réagir»

Ils sont nombreux à arpenter les allées du nouvel aérogare de la capitale en quête de renseignements : «On est arrivé à 6 heures du matin avec ma mère. On n'a aucune information de la part d'Aigle Azur.» Les chariots de valise entassés près d'elles, les deux femmes attendent près du guichet bleu et blanc, aux couleurs de la compagnie, à l'autre bout du terminal. Smartphone en main, Sehna et sa mère tentent de trouver un vol sur une autre compagnie. «Sur Air Algérie, tous les vols sont complets jusqu'au 23 septembre. On nous dit d'attendre jusque-là pour rentrer mais ce n'est pas possible. C'est une compagnie française, les autorités françaises doivent réagir», fustige l'étudiante toulousaine, inquiète de rater la prochaine rentrée universitaire.

Aigle Azur a fermé ses bureaux dès le 7 septembre au matin. Et aucune disposition n'a été prise afin d'aiguiller sur place les clients lésés. Ils se retrouvent le plus souvent livrés à eux-mêmes, les bagages sur les bras. De son côté, Air Algérie annonce avoir augmenté le nombre de trajets à destination de la France et propose également une réduction de 20% pour les clients Aigle Azur. «Le nombre de vols quotidiens a augmenté, même les vols de nuit. On assure déjà huit vols par jour à destination de Paris et une vingtaine dans toute la France, ce qui est déjà énorme. Nous devons aussi assurer les autres destinations», confie un cadre la compagnie nationale algérienne.

«Je dois rajouter 700 euros sur Air Algérie» 

«On nous dit qu'il y a des réductions mais ça reste cher pour rentrer en France. J'ai payé 1 800 euros avec Aigle Azur et maintenant je dois rajouter 700 euros si je veux rentrer à Paris avec ma famille sur Air Algérie», indique dépité un père de famille accompagné de ses trois filles en bas âge. Tout près, sa femme espère que l'annonce d'un repreneur d'Aigle Azur permettra la relance des vols. Sehna tente de rassurer le couple, ils se sont rencontrés dès leur arrivée à l'aube. Quatorze offres de reprise ont été présentées auprès du tribunal judiciaire d'Evry sans qu'aucune ne l'emporte pour l'heure.

Dans la file qui fait face au guichet d'Air France, jouxtant les bureaux d'Alitalia, les passagers font part de leurs frustrations, les échanges fusent : «Ils en profitent pour monter les prix, imaginez les familles nombreuses !» lance un passager, en référence au surcoût appliqué par plusieurs des compagnies concurrentes. «Ils profitent de la situation alors qu'on a déjà acheté un billet. Et il n'y a personne d'Aigle Azur ici !» s'énerve une dame âgée.

Un policier en uniforme tente d'aider une famille en détresse. «C'est comme ça chaque jour depuis l'annonce de la faillite. Des dizaines de gens arrivent sans savoir comment ils vont repartir», déplore un agent d'entretien. Plus optimiste, un jeune couple espère acheter un départ sur Air France pour le lendemain : «On a loué un appartement en Airbnb à Paris à partir d'aujourd'hui. On espère qu'on en profitera au moins demain !» indique Fayçal, sourire en coin.

Plus que la colère, c'est l'incompréhension qui prime parmi les clients d'Aigle Azur : «Il y a des passagers qui ne sont même pas au courant que leur vol est annulé. La veille de l'annonce de dépôt de bilan, un homme a acheté sept billets pour lui et sa famille. Il a été choqué qu'on ne l'ait pas informé de la situation de la compagnie», relate une passagère dans la file. Sans certitude sur une date de retour, les passagers d'Aigle Azur tentent d'acquérir les rares places encore disponibles auprès des compagnies concurrentes, la même incertitude qui prévaut quant à l'avenir de la compagnie en attente d'un repreneur.