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Libération
Tensions

Face à l’Iran, des Etats-Unis ambivalents

Depuis le retrait de Washington de l’accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a envenimé la situation en alternant les menaces belliqueuses et les allusions sitôt démenties à un possible dialogue.
(FILES) In this file photo taken on June 22, 2019 US President Donald Trump speaks to the media prior to departing on Marine One from the South Lawn of the White House in Washington, DC, as he traveled to Camp David, Maryland. - Donald Trump famously canceled a missile strike on Iran in June, but Tehran will not be resting easy following the unpredictable president's warning that the United States is again "locked and loaded." After giving diplomats whiplash last week with reversals on Afghanistan, Trump now has the world on tenterhooks over his response to a weekend attack on Saudi oil facilities that his top diplomat has blamed on Iran."We'll see?" he tweeted on September 16, 2019 in a phrase that encapsulated the lack of clarity. (Photo by SAUL LOEB / AFP) (SAUL LOEB/Photo Saul Loeb. AFP)
publié le 16 septembre 2019 à 20h51

S'il n'a pas encore accusé nommément l'Iran pour sa responsabilité supposée dans les attaques de drones visant l'Arabie Saoudite, Donald Trump n'a pas hésité à dégainer sa rhétorique guerrière. «Il y a des raisons de croire que nous connaissons le coupable. [Nous sommes] prêts à riposter», a tweeté le président américain dimanche, tout en indiquant attendre les conclusions de Riyad. Le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo, a pour sa part ouvertement accusé l'Iran dès samedi. Des accusations qualifiées d'«insensées» par la République islamique, qui nie toute implication.

Face à Téhéran, Trump semble, à nouveau, pris à son propre piège. Coincé entre l'image d'un président fort qu'il veut renvoyer et sa promesse de campagne de réduire l'implication militaire américaine au Moyen-Orient. «Sur l'Iran, Trump semble improviser sur le tas, analyse Ellen Laipson, directrice du Center for Security Policy Studies à l'université George Mason. Il laisse planer la menace d'une action américaine unilatérale puis semble se rendre compte que cela dépend aussi des Saoudiens. Dans le même temps, il continue de laisser entendre qu'il serait content de parler aux Iraniens à l'ONU. Le seul élément constant semble que Trump voudrait éviter une action militaire majeure.»

Durcissement de ton

Le président américain a lancé sa politique de «pression maximale» sur Téhéran en quittant, en mai 2018, l'accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), accusant l'Iran, à l'inverse des conclusions de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de ne pas respecter ses engagements. Signé en 2015 par les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, le pacte visait à empêcher Téhéran de se doter de l'arme nucléaire en échange de la levée des sanctions économiques occidentales. En quittant l'accord, dont il jugeait la portée trop limitée, Trump a déstabilisé un équilibre fragile.

Dans le sillage de ce retrait, Washington continue de montrer les muscles. «Sanctions are coming», tweete Donald Trump à l'automne dernier, pastiche de Game of Thrones à l'appui. Les Etats-Unis imposent en plusieurs salves de très lourdes sanctions économiques sur la République islamique, paralysant notamment ses exportations de pétrole (80% de ses revenus). Nouveau durcissement de ton le 8 avril, quand les Etats-Unis inscrivent les Gardiens de la révolution, garde prétorienne du Guide suprême, sur la liste des organisations terroristes du Département d'Etat américain.

En face, Téhéran ne reste pas impassible. Début septembre, le président Hassan Rohani a annoncé de nouvelles dérogations à ses engagements prévus par le JCPOA, que les signataires restants tentent de sauvegarder. C'est la troisième fois que l'Iran le viole en réplique aux sanctions américaines. Rohani a «donné l'ordre [à l'Organisation de l'énergie atomique iranienne, l'OEAI] de prendre toutes les mesures nécessaires en matière de recherche et de développement et d'abandonner tous les engagements en place dans ce domaine». Outre ces violations, Téhéran est accusé d'avoir attaqué des tankers en mer d'Oman, et abattu fin juin un drone de surveillance américain. C'est d'ailleurs à la suite de cet épisode que Trump a approuvé une frappe contre l'Iran, usant du même vocabulaire va-t-en-guerre que dimanche. Avant d'y renoncer au dernier moment, jugeant la réponse disproportionnée.

Apaisement

Une tentative de désescalade a eu lieu au mois d'août, portée par Paris, avec la visite du ministre des Affaires étrangères iranien en marge du G7. Depuis, Trump laisse entendre qu'il est prêt à rencontrer son homologue la semaine prochaine à New York, lors de l'Assemblée générale de l'ONU. Il a même suggéré, avant de se dédire, qu'une levée partielle des sanctions, préalable à toute discussion posé par Téhéran, était envisageable. Le récent départ de John R. Bolton, conseiller à la sécurité nationale et partisan d'une ligne très dure contre l'Iran, semblait aller dans le sens d'un apaisement. Mais dans le même temps, l'administration Trump a imposé de nouvelles séries de sanctions, directement contre la République islamique ou ses alliés régionaux. «Se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien, donner aux Saoudiens un chèque en blanc pour leur guerre au Yémen, empiler les sanctions et les menaces n'a pas fonctionné, résume lundi sur Twitter Ben Rhodes, ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale de Barack Obama. La politique catastrophique de Trump nous a placés, de manière prévisible, au bord d'une guerre encore plus vaste.»