Ursula von der Leyen a la réputation d’être intelligente, bosseuse et surtout capable de survivre en milieu hostile, des qualités qu’ont en commun les vieux crocodiles de la politique. Pourtant, tant à Bruxelles que dans plusieurs capitales européennes, on commence à se poser des questions face à l’amateurisme persistant de la nouvelle présidente de la Commission.
Désignée, le 2 juillet, à la surprise générale – et sans doute à la sienne propre – par les chefs d'Etat et de gouvernement, elle ne connaissait pas grand-chose à l'Europe et rien du tout à la Commission. D'où des débuts particulièrement chaotiques lors de ses premières rencontres avec les députés européens qui lui ont valu d'obtenir un vote de confirmation particulièrement étroit le 16 juillet à Strasbourg (383 voix contre 327). On aurait pu alors croire qu'elle allait s'entourer d'une équipe solide pour préparer la répartition des portefeuilles entre les commissaires désignés par les Etats et son programme d'action. C'est tout le contraire qui s'est passé.
«Ce trio n’accepte aucun conseil»
Car Ursula von der Leyen ne fait confiance qu'à deux hommes qu'elle a déjà imposés dans les mêmes fonctions au ministère de la Défense à Berlin : son chef de cabinet, Bjoern Seibert, et son porte-parole, l'ancien journaliste Jens Flosdorff, qui ne connaissent strictement rien aux affaires européennes. Gênant, alors qu'ils sont censés pallier les manques de leur présidente. Seibert s'est même déjà taillé une réputation peu enviable : paranoïaque, tyrannique, refusant le moindre conseil. Quant à Flosdorff, il a étalé son incompétence lors de la première conférence de presse d'Ursula von der Leyen, le 10 septembre : incapable de reconnaître le moindre journaliste, puisqu'il refuse tout contact avec la presse (son numéro de téléphone ne figure nulle part), il a donné la parole à des représentants de think tank à la grande surprise des médias… «Ce trio n'accepte absolument aucun conseil tant de l'intérieur de la Commission que de l'extérieur, comme s'ils étaient entourés d'ennemis», raconte un diplomate interloqué. «Alors que les fonctionnaires européens et les Etats sont là pour les aider à réussir. Mais ça, ils ne le comprennent manifestement pas», poursuit-il.
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Preuve de cet enfermement : von der Leyen n'a toujours pas constitué son cabinet, ce qui est sans précédent. Elle se contente pour l'instant des quatre fonctionnaires (toutes des femmes) que Martin Selmayr, le secrétaire général désormais déchu, lui a fournies et dans lesquelles elle n'a aucune confiance. «En plus, Seibert cherche à s'entourer uniquement d'Allemands, ce qui n'est pas précisément l'esprit de l'Europe», raconte, sidéré, un diplomate européen. Un fonctionnement en cercle fermé sans doute adapté au panier de crabes du ministère de la Défense allemand, ce qui a permis à von der Leyen de survivre à ce poste quasiment six ans, mais absolument pas à l'exécutif européen.
«Le pire évité de justesse»
«Ils ont failli planter la répartition des portefeuilles par amateurisme et c'est l'intervention de Selmayr [conseiller hors classe de Jean-Claude Juncker] qui, pour le coup, a permis de justesse d'éviter le pire.»
Résultat : von der Leyen a découragé beaucoup de bonnes volontés. Ainsi, elle n'a toujours pas trouvé quelqu'un pour diriger le service du porte-parole, personne ne voulant travailler dans de telles conditions. Sa volonté d'installer un appartement de fonction au 13e étage du Berlaymont, le siège de la Commission, en rupture avec tous les usages, ne présage pas d'une volonté d'ouverture au monde…