Depuis trois ans et demi, les pro et anti-Brexit ferraillent à coups de pancartes, de drapeaux et de mégaphones devant le Parlement de Westminster. Mardi, ils avaient déménagé leurs sonores invectives devant la Cour suprême. Engagés mardi matin, les débats dureront jusqu’à jeudi soir : la Cour suprême doit se prononcer sur la question de savoir si le Premier ministre et son gouvernement ont agi légalement en suspendant le Parlement pendant cinq semaines, à quelques jours de la date officielle du Brexit.
Ce n’est que la deuxième fois que les onze juges - trois femmes et huit hommes - siègent tous ensemble. La première c’était en 2016, et déjà à propos du Brexit : la Cour avait estimé que le gouvernement May avait l’obligation de demander l’assentiment du Parlement avant d’invoquer l’article 50 déclenchant la sortie de l’UE.
Mardi, les débats diffusés en direct ont suscité un intérêt sans précédent, avec quelque 4,5 millions de téléspectateurs à la mi-journée. La Cour suprême examinait deux cas séparés et antagonistes. Le premier est celui de la High Court de Londres, qui avait jugé que la procédure de suspension du Parlement initiée par Boris Johnson était politique et pas illégale. La deuxième est celle de la plus haute cour écossaise, qui avait estimé au contraire que la suspension du Parlement était illégale parce que les raisons invoquées par Johnson pour convaincre la reine de signer cette suspension étaient fausses. Le Premier ministre argue de la nécessité de suspendre le Parlement jusqu’au 14 octobre, pour une durée inédite ou presque, pour préparer le «Queen’s Speech», le programme législatif du gouvernement. Le tribunal écossais avait jugé que Johnson tentait en fait de faire taire le Parlement pour éviter de devoir lui rendre compte de ses choix au sujet du Brexit.
Les deux décisions ayant été prises à l’unanimité, ce sera donc à la Cour suprême de trancher, peut-être dès vendredi, mais probablement plutôt en début de semaine prochaine. Les questions constitutionnelles évoquées au cours des débats sont fondamentales, il s’agit de déterminer qui est le plus souverain au Royaume-Uni : le Parlement ou l’exécutif ?
Sonia Delesalle-Stolper (à Londres)