Chihab Nichnouche était demandeur d'asile en Suède lorsqu'en 2011, un vent de printemps a balayé le monde arabe. «La révolution battait son plein en Egypte, j'ai senti que la Libye frémissait», se souvient-il. Il décide alors de rentrer au pays pour suivre les rebelles dans les montagnes du Djebel Nefoussa, au sud de la capitale. «En arrivant, quand j'ai vu le drapeau [noir-rouge-vert, qui a remplacé le vert de Kadhafi] et tous ces jeunes rassemblés, j'ai compris qu'une nouvelle Libye était en train de naître», raconte avec emphase ce Tripolitain de 32 ans.
A l'époque, il n'avait encore jamais tenu une arme de sa vie. Aujourd'hui, il ne fait plus que cela. Chihab est officiellement membre d'une force «de soutien» ou «de réserve» chargée de sécuriser les bâtiments officiels. A ce titre, il a été intégré aux effectifs du ministère de l'Intérieur. Sa loyauté va pourtant en premier lieu à sa milice, la puissante Brigade des révolutionnaires de Tripoli. «Au début de cette guerre on courait partout, mais maintenant on suit les instructions du ministère de la Défense, assure-t-il. Guerre après guerre, on gagne en discipline.» Chihab est désormais chargé de l'artillerie. Il a perdu 17 camarades depuis le 4 avril. «On a peur, c'est humain quand tu as un ennemi en face, surtout les premiers jours.»
Ce qu'il redoute le plus, ce sont les bombardements aériens, menés par des drones ou des avions : «On s'abrite, on se cache en permanence.» Pour se donner du courage, il énumère des atrocités attribuées à l'armée d'en face : «Ils exécutent les prisonniers, ils piègent les maisons, ce sont les méthodes de Daech !»
Ces dernières semaines, l'intensité des affrontements a diminué. Mais Chihab le célibataire, qui cultive son look de révolutionnaire, n'a pas pour autant vu sa famille depuis un mois. Il préfère en rire, bravache : «On ne dort plus sans le bruit des mortiers pour nous bercer. On est davantage chez nous au front qu'à la maison.»