Usine pharmaceutique, raffineries pétrolières, fabricants de pesticides, d’engrais ou de composants chimiques industriels. De Rouen au Havre, l’estuaire de la Seine concentre un grand nombre de sites industriels potentiellement dangereux pour les hommes comme pour l’environnement. Dans les écoles de la région, les enfants répètent les exercices de confinement en cas d’incident dès le plus jeune âge.
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Cédric Fisson, expert au GIP Seine-Aval, une structure publique qui fait l’interface entre la science et la gestion de la qualité de l’environnement dans l’estuaire de la Seine, détaille l’état de pollution du fleuve.
L’estuaire de la Seine est historiquement une zone de forte concentration industrielle. Quel en est l’impact sur l’environnement ?
On appelle les années 50 à 70 les décennies noires. A cause de la pollution urbaine et industrielle, la qualité de l’air et de l’eau dans la région était très mauvaise, avec des fortes mortalités de poissons régulièrement observées. A cette époque, les industries déversaient directement, quasiment sans traitement, leurs rejets dans la Seine. On pouvait voir des mousses se former en surface à cause de l’évacuation de détergents. Il n’y avait plus d’oxygène dans l’eau et des nappes d’hydrocarbures flottaient fréquemment sur le cours d’eau.
Puis, à la fin des années 70, il y a eu une forte prise de conscience des collectivités, des associations, des pêcheurs, des industriels et de l’Etat, avec des actions d’envergure mises en place pour changer cette trajectoire de dégradation. Cela a porté ses fruits. La qualité de l’eau s’est améliorée. Dans les années 90, la Seine est redevenue attractive pour les poissons, avec le retour d’espèces qui avaient disparu, comme l’éperlan ou l’alose.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Cela n'a rien à voir avec il y a cinquante ans. Les gros rejets des villes, comme des industriels, notamment ceux issus des raffineries, ont énormément diminué. La problématique actuelle est plus le cumul de multiples rejets, avec un cocktail de contaminants. A cela s'ajoutent des événements accidentels, heureusement peu fréquents, mais qui peuvent avoir des impacts locaux importants [comme l'incendie, au début de l'été, de la station d'épuration d'Achères, dans les Yvelines, qui tué 7,5 tonnes de poissons, ndlr].
On ne peut plus pointer du doigt une commune ou un industriel. Du bassin parisien jusqu’au Havre, tout le monde rejette un peu dans un fleuve relativement petit qui a un débit moindre par rapport à la Loire ou la Gironde. Il s’agit donc d’une responsabilité collective. Quant à la santé des poissons, on n’observe pas de dépassement des normes sanitaires en baie de Seine.
Les pollutions passées ont-elles laissé des séquelles ?
Oui, cet héritage a laissé son empreinte dans les sols et les nappes phréatiques à proximité des sites industriels et dans les sédiments de la Seine. Dans l'estuaire, la consommation des poissons reste interdite à cause de la pollution aux PCB [composés chimiques massivement utilisés dans le secteur de l'électricité, dans les encres et les peintures, interdits en France depuis 1987, ndlr]. C'est aussi le cas dans le Rhône. On sait que des stocks de contaminants restent enfouis en profondeur dans la Seine. Avec le dérèglement climatique qui pourrait provoquer un renforcement des tempêtes et de plus grandes possibilités de crues, ces stocks pourraient être remobilisés et polluer de nouveau le fleuve. Il faut donc rester vigilant sur ces aspects afin de poursuivre l'amélioration de la qualité de la Seine.