Menu
Libération
Vu de Berlin

Dieselgate : class action inédite en Allemagne contre les crasses de Volkswagen

Un procès historique par son ampleur et sa forme s’ouvre ce lundi en Basse-Saxe : près de 450 000 clients européens poursuivent le constructeur pour avoir truqué les contrôles sur les émissions d’oxyde d’azote en 2015.
Volkswagen a admis le 22 septembre 2015 avoir équipé du logiciel fraudeur 11 millions de ses véhicules. (Photo Fabian Bimmer. Reuters)
publié le 29 septembre 2019 à 20h16

Quatre ans après le début du Dieselgate, un procès inédit s’ouvre ce lundi au tribunal régional de Brunswick (Basse-Saxe). Inédit par son ampleur et sa nature même : près de 450 000 personnes attaquent Volkswagen en justice dans le cadre d’une requête groupée, procédure qui n’existait pas jusqu’ici outre-Rhin. Les plaignants sont issus de toute l’Europe, mais très majoritairement d’Allemagne, et sont épaulés par la Fédération allemande des associations de consommateurs (VZBV).

«Nous ne nous attendions vraiment pas à ce que tant de personnes rallient cette action de groupe», se réjouit Sebastian Reiling, de la VZBV. Si la cour établit que Volkswagen a bien causé un préjudice à ses clients, ces derniers devront ensuite entamer une action individuelle afin d'obtenir une réparation financière. En France, l'association de protection des consommateurs UFC-Que choisir indique avoir orienté plus de 1 000 Français dans cette démarche. «Ces cas collectifs sont importants, d'abord parce qu'ils montrent aux consommateurs qu'il ne faut pas baisser les bras, mais aussi parce que les expertises qui y seront faites pourront être exploitées dans le cadre de la procédure en cours en France, où nous nous sommes constitués partie civile», explique le responsable du service juridique d'UFC-Que choisir, Raphaël Bartlomé. Une procédure pénale à l'encontre de Volkswagen est en effet en cours depuis 2016 dans l'Hexagone.

«Inconnues»

L’affaire du Dieselgate remonte au 18 septembre 2015, lorsque l’Agence américaine de l’environnement (EPA) accuse Volkswagen d’avoir violé la réglementation antipollution à l’aide d’un logiciel capable de tromper les contrôles sur les émissions d’oxydes d’azote (NOx). Ce n’est que le 22 septembre que le constructeur allemand admet avoir équipé du logiciel fraudeur 11 millions de ses véhicules dans le monde.

Ce scandale, qui n'en finit plus de se déployer, a depuis coûté au groupe plus de 30 milliards d'euros en frais juridiques, amendes et dédommagements, surtout aux Etats-Unis (il y a été condamné à s'acquitter de 18 milliards d'euros en 2017). En Allemagne, en revanche, le constructeur a «seulement» déboursé 2,3 milliards d'euros. Il faut dire qu'outre-Atlantique, les amendes ont été assorties de «dommages et intérêts punitifs», qui consistent à verser une somme supérieure aux dommages subis. Or cette notion n'existe pas dans le droit allemand ou français. En outre, explique Raphaël Bartlomé, «le montant de l'amende, les restrictions éventuelles de vente de véhicules aux Etats-Unis et les montants extrêmement importants en cas d'action de groupe ont motivé le constructeur à conclure rapidement cet accord».

En Europe, la stratégie de l'allemand est différente. «Ils cherchent à gagner du temps», estime Raphaël Bartlomé. «Volkswagen pourrait demander à ce que soit déduit des dédommagements une somme proportionnelle à la durée d'utilisation et à la valeur des voitures. Plus le verdict est tardif, plus ces frais seraient importants et les dédommagements faibles. Nous nous y opposons, bien entendu. Sauf que nous sommes ici dans le premier procès de ce type en Allemagne, donc il existe beaucoup d'inconnues», explique Sebastian Reiling de la VZBV. Une deuxième audience est prévue le 18 novembre.

Ce procès spectaculaire n'est pas le seul initié contre «Das Auto». Il y a un an s'ouvrait, également à Brunswick, celui intenté par les investisseurs de la marque. Quelque 3 500 d'entre eux, qui ont vu la valeur de leurs actions chuter au moment où le scandale a éclaté, réclament environ 9 milliards d'euros d'indemnités. Le tribunal doit encore déterminer si la direction aurait dû informer plus tôt les marchés financiers de la tricherie afin de leur épargner ces lourdes pertes.

Se verdir

Et les mauvaises nouvelles s'accumulent pour le constructeur allemand. En début de semaine dernière, son ex-patron Martin Winterkorn, l'actuel PDG, Herbert Diess, et le président du conseil de surveillance du groupe, Hans Dieter Pötsch, ont été renvoyés devant les juges pour manipulation de cours de Bourse. Winterkorn est également mis en accusation pour «fraude aggravée», «abus de confiance» et «violation de la loi contre la concurrence déloyale», aux côtés de quatre autres prévenus.

Le procès de Brunswick, comme la plupart des actions en justice à l'encontre de Volkswagen, pourrait bien durer plusieurs années. Pendant ce temps, l'allemand fait tout pour se verdir, par exemple en investissant massivement dans les voitures électriques : à la foire automobile de Francfort, le groupe a annoncé viser 1 million de véhicules électriques vendus en 2025. Quitte à enterrer un peu vite le Dieselgate ? Le responsable de la marque, Ralf Brandstätter, a récemment dit à l'AFP que cette affaire «appartient à l'histoire du groupe», au même titre que «la Coccinelle et la Golf».