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Libération
Éditorial

Cliché

publié le 3 octobre 2019 à 20h16

Il y a ceux qui, tels un Monsieur Jourdain sans le sou, font de l’écologie depuis toujours, sans le savoir. Inutile de leur prêcher la sobriété : ils la pratiquent spontanément, contraints et forcés. Peu d’argent, peu de consommation, peu de pollution. Il y a aussi ceux qui sont parfaitement conscients des enjeux - beaucoup plus nombreux qu’on ne croit. Le cliché de «l’écolo-bobo» et du «prolo qui fume et roule en diesel» est à la fois méprisant et faux. Ceux-là s’efforcent de consommer différemment mais ne le peuvent pas toujours, faute de moyens. Pour manger bio, il faut payer plus cher ; pour isoler son habitation, il faut pouvoir investir. Ce qui interroge du même coup le thème de la «décroissance» prisé par une partie du mouvement vert. Pour s’adapter à la transition écologique, les classes populaires ont besoin d’un meilleur pouvoir d’achat. Comment concilier cet impératif avec une diminution du revenu national ? La consommation verte reste une consommation, qui suppose une production adéquate. Changement de type de croissance ou diminution ? Autour de ce dilemme, la stratégie de sauvetage de la planète n’a pas fini d’hésiter. Un autre impératif, en revanche, s’imposera inévitablement : la redistribution. C’est peut-être le non-dit des résistances à l’écologie qu’on perçoit souvent derrière une approbation de façade. Chacun comprend bien que la réorientation du modèle de production risque d’être plus douloureuse pour les classes populaires que pour les autres. Le mouvement des gilets jaunes l’a montré : sauf à encourir un rejet social, la fin des énergies carbonées exigera, selon toute probabilité, des compensations pour les plus défavorisés. Et donc des efforts pour les classes riches. Transition écologique et réduction des inégalités vont ainsi de pair, par la force des choses. Une réalité que les classes supérieures ont encore du mal à discerner.