Vous ne risquez pas de croiser Ursula von der Leyen dans les rues de Bruxelles. La présidente désignée de la Commission européenne a en effet décidé de s'enfermer jour et nuit dans le bunker du Berlaymont, le nom du bâtiment en étoile où se trouvent notamment les bureaux des 28 commissaires. Comme Libération l'avait annoncé, elle a bien décidé de se faire installer un studio de 25 m2 contigu à son bureau du 13e étage pour y vivre. Elle ne quittera donc le bâtiment que pour ses voyages officiels ou pour rentrer le week-end à Hanovre retrouver sa famille… On a connu plus ouvert sur le monde.
Jusqu’à présent, les responsables européens vivaient en ville, tout comme les fonctionnaires ou les députés, la tradition des logements de fonction étant étrangère à l’UE. Celle-ci a préféré depuis sa création leur verser des indemnités. Ainsi, le président de la Commission, qui est déjà confortablement payé 27 903,32 euros brut par mois (soumis à l’impôt communautaire), reçoit en plus une indemnité mensuelle de logement de 4 185,50 euros et une autre pour ses menus frais de 1 418,07 euros. Autant dire que le choix de Von der Leyen fait tousser à Bruxelles, l’argument de la sécurité ou du trafic avancé par son entourage ne tenant guère : ses prédécesseurs ont tous survécu à la vie bruxelloise et rien ne l’oblige à vivre à 10 kilomètres du Berlaymont.
Dégourdir les jambes
L'Europe, c'est déjà une «bulle» largement coupée des réalités. Mais s'enfermer 24 heures sur 24 dans l'atmosphère climatisée et aseptisée du Berlaymont, c'est créer une bulle dans la bulle. Sa décision est d'autant plus hallucinante que le bâtiment n'a pas été conçu pour y vivre : les fenêtres ne peuvent que s'entrouvrir à cause de la climatisation, il n'y a ni balcon, ni espace vert. En outre, il n'est pas possible d'y cuisiner pour des questions de sécurité, sauf dans les espaces dédiés des salles de restaurant du 13e étage, ce qui semble signifier que Von der Leyen aura recours au service des cuisiniers de l'institution… De même, il n'y a qu'une entrée hypersécurisée qui est généralement fermée la nuit. La présence permanente de la présidente va imposer du personnel de sécurité supplémentaire en dehors des simples gardiens de nuit pour ne pas l'enfermer dans le bâtiment si jamais il lui prend l'envie d'aller se dégourdir les jambes, voire d'aller dîner en ville, sait-on jamais…
On imagine que le budget de l’Union européenne sera mis à contribution pour financer les travaux, le recours aux cuisiniers et la sécurité, mais qu’elle renoncera en contrepartie à son indemnité de logement. Mais, en première analyse, le recours à du personnel supplémentaire coûtera plus cher au contribuable.
Cet enfermement inquiète les eurocrates qui commencent à se demander s’ils n’ont pas à faire une personnalité souriante à l’extérieur mais paranoïaque à l’intérieur, une sorte de docteur Jekyll et Mister Hyde. Il est déjà clair que ses collaborateurs directs seront soumis à une pression terrible puisque la présidente sera, de fait, toujours la première et toujours la dernière au bureau. Entrer dans son cabinet, ce sera signer pour cinq ans sans voir le soleil. L’entre-soi qui s’annonce ne va pas améliorer l’image déjà dégradée de la Commission.