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Libération
Chronique «Miroir d'outre-Rhin»

David Hasselhoff et la vraie-fausse histoire de la chute du Mur

Miroir d'outre-Rhindossier
Chronique sur la vie, la vraie, vue d'Allemagne. Au menu de cette semaine, le comédien et chanteur David Hasselhoff. Tout en se défendant d'avoir été l'un des inspirateurs de la chute du mur de Berlin, «the Hoff» capitalise sur cette légende urbaine, dont les Allemands semblent parfaitement s'accommoder.
Collection personnelle d'images représentant David Hasselhoff. (Johanna Luyssen)
publié le 9 octobre 2019 à 16h23

Il existe un curieux point commun entre David Hasselhoff et Nicolas Sarkozy : les deux hommes n'étaient pas à Berlin le jour de la chute du Mur, le 9 novembre 1989. Mais à la différence de l'ex-président français, «the Hoff» demeure à jamais associé à ce moment historique.

Cela tient à une performance musicale, historique elle aussi : la star d'Alerte à Malibu vêtu d'une écharpe piano et d'une veste en cuir clignotante, célébrant la Saint-Sylvestre 89 porte de Brandebourg et hurlant son tube, que dis-je, son hymne, Looking for Freedom.

«Quand la légende devient un fait, il faut imprimer la légende» : ainsi se conclut l'Homme qui tua Liberty Valance. Du far west au poste-frontière de la Bornholmer Straße, la logique est la même. Certes, «the Hoff» n'était pas là lors des premiers coups de pioche qui ont mis fin à ce que la propagande appelait le «mur de protection antifasciste», et sa chanson ne parle même pas de politique. Pourtant, au fil des ans, la vérité historique a été recouverte par la légende urbaine. «Hasselhoff et la chute du Mur», écrit le quotidien Süddeutsche Zeitung, c'est l'un des grands mythes du quotidien des Allemands. Quelque chose dont ils ne sont pas dupes, sauf qu'ils préfèrent la légende à l'ennuyeuse vérité – on peut le comparer, écrit le journal, à cette histoire selon laquelle la ville de Bielefeld, en Rhénanie du Nord-Westphalie, n'existe pas.

Ainsi David Hasselhoff est-il empêtré dans cette histoire de chute du Mur depuis trente ans. En réponse, il cultive une belle ambiguïté. Il oscille entre salutaires mises au point – «Je n'ai jamais rien eu à voir avec ça», maugréait-il en 2018 –, et vigoureux coups de polish sur la légende – «Je trouve un peu triste qu'aucune photo de moi ne soit accrochée au mur du musée Checkpoint-Charlie.»

«Ich bin ein Berliner»

Pour les 30 ans de la chute du Mur, il a tout fait pour revenir. Lors des festivités du 3 octobre, célébrant les 29 ans de la réunification, il se produisait à Berlin avec sa tournée «Freedom». Le public a assisté à trois heures d'un show basé sur le concept, on l'aura compris, de liberté. «Ich bin ein Berliner», a également hurlé «the Hoff», ne reculant devant aucune référence.

Mais ce n'est pas tout. Dans la capitale s'affichent désormais des publicités pour son nouveau livre audio, Up Against the Wall : Mission Mauerfall, avec une image du «Hoff» posant devant un mur de béton éventré avec au loin, Alexanderplatz. Le scénario est délicieux : l'acteur-chanteur est à Berlin en 1989 pour sa tournée «Looking for Freedom». L'agent de la CIA Nick Harper, qui lui ressemble beaucoup, se trouve également là, mais il est rapidement séquestré par une fan d'Hasselhoff qui l'embarque dans sa Trabant. Dans le même temps, une agente de la CIA confond Hasselhoff avec Harper. Bref, les deux hommes prennent involontairement la place de l'autre et se lancent dans une folle aventure. Le résumé du livre conclut, habile : «David Hasselhoff a-t-il quelque chose à voir avec la chute du mur de Berlin, tout compte fait ?» 

Une chose est sûre : le comédien s’engage pour la préservation de la mémoire du Mur, s’élevant bruyamment contre des projets de construction d’habitations de luxe sur la East Side Gallery : la plus longue portion du Mur restante est, comme beaucoup d’endroits berlinois, menacée par la spéculation immobilière. La boucle est bouclée : le type qui a plus ou moins (mais surtout moins) contribué à la chute du Mur fait désormais tout pour en préserver les vestiges.