Hajar Raissouni, son fiancé, ainsi que l'équipe médicale qui l'avait prise en charge ont été graciés par le roi du Maroc et immédiatement libérés mercredi. Son téléphone étant encore sous scellé au lendemain de sa libération de la prison d'El Arjat, près de Rabat, nous l'avons contactée via son frère. La journaliste de 28 ans avait été condamnée le 30 septembre à un an de prison ferme pour «avortement» et «relations sexuelles hors mariage».
Comment avez-vous appris la nouvelle ?
Je lisais dans ma cellule l'Ombre du vent, un roman de Carlos Ruiz Zafón, quand j'ai entendu des prisonnières crier : «Hajar est graciée ! Hajar est graciée !» Je n'y ai pas cru au début, j'avais espoir que le roi me gracie, mais à l'occasion d'un événement national, comme à son habitude, au bout de trois, quatre mois de détention. Pas maintenant, pas si soudainement ! J'ai alors allumé la télévision et c'est là que j'ai aperçu la bannière de ma grâce avec celle de mon fiancé et du médecin sur la chaîne d'informations Medi1 TV. A la fois sous le choc et heureuse, j'ai mis trente minutes pour rassembler quelques affaires et sortir. Je suis encore émue par tout le monde qui m'attendait… Mais je tiens quand même à ce que mon innocence par rapport à l'avortement soit juridiquement reconnue.
Comment avez-vous vécu votre détention ?
C'était très dur, j'ai perdu 17 kilos en un mois. J'ai refusé que ma mère et mes frères me rendent visite pour ne pas les traumatiser. Seul mon oncle, Souleymane [Raissouni, rédacteur en chef du journal indépendant Akhbar al-Yaoum, ndlr], venait me voir tous les mercredis, avec les journaux de la semaine sous le bras.
Que pensez-vous du combat pour les libertés individuelles engagé en votre nom ?
Je suis contente que mon cas ait lancé un débat sur les libertés individuelles, c’est un débat sain. Quant à moi, je reste convaincue que mon arrestation et ma condamnation étaient politiques.
Recueilli par Dounia Hadni