Tous les vendredis, la chronique «Vu du monde» se penche sur un pays émergent. Ce vendredi, focus sur une société brésilienne polarisée comme jamais, entre la chute du Parti des travailleurs et l'ascension improbable du leader d'extrême droite.
On en est aux étirements finaux quand Tania lâche sa bombe : «Mine de rien, c'est la dictature sous Bolsonaro.» Après des mois à échanger des banalités (non sans chercher intérieurement à cerner l'autre), on ne s'attendait pas à l'irruption de la politique en salle de gym… Dans un Brésil fracturé, la politique, c'est devenu le sujet qui fâche. Que se passe-t-il au pays de l'homme cordial ? Les psychanalystes cherchent encore.
«Les fascistes sont sortis du placard»
Un bref instant, en écoutant sa verve anti-bolsonariste, on l’a crue de gauche. Mais Tania, quadragénaire et kiné de son état, est bien de droite. A la présidentielle du 28 octobre 2018, remportée face à Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs (PT) par le leader d’extrême droite, elle s’était abstenue. Tania a ainsi contribué à sa victoire, ce qu’on se garde de lui rappeler. Pas le moment de chercher des coupables. Une droite républicaine est peut-être en gestation.
Le mot «polarisation» a fait irruption dans le débat public fin 2014, quand le PT de Lula a décroché son quatrième mandat consécutif, avec Dilma Rousseff. L'ancien président lui-même l'aurait avoué : c'était la victoire de trop, celle qui a révulsé et radicalisé la droite. L'improbable ascension de Bolsonaro – autoritaire, réac, raciste et homophobe –, a achevé de déchirer le pays. Alex, 30 ans, courtier en immobilier, mais au noir depuis cinq ans – crise oblige –, résume : «Un tabou a sauté, les fascistes sont sortis du placard.» Notamment autour de lui : «J'ai coupé tout contact avec des amis proches. Ça m'a fait mal, mais je ne le regrette pas.»
«On ne se parle plus»
Une manifestante pro-Lula s'immisce dans la conversation. Au nom du dialogue. «Personne n'avait rien fait pour le Nordeste avant lui», plaide-t-elle posément. «C'est vrai», concède Haany. Soudain, tout le monde est d'accord, ou du moins fait semblant. Le syndrome de la cordialité ?