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Libération
Chronique «à l'heure arabe»

Donner à son bébé le nom du président, naissance d'une manie

A l'heure arabedossier
Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes.
Kaïs Saïed a été élu dimanche président de la Tunisir. (ZOUBEIR SOUISSI/Photo Zoubeir Souissi. Reuters)
publié le 19 octobre 2019 à 13h56

Au lendemain de l'élection du très atypique président tunisien dimanche, un bébé né à Kairouan a été prénommé comme lui, Kaïs Saïed. «J'espère que ce prénom portera autant de chance à mon fils qu'au nouveau président», a dit le père du nouveau né au correspondant d'un journal local. Les jeunes parents tunisiens n'auraient jamais pensé qu'ils n'étaient pas les premiers à adopter le prénom de leur président élu. La veille en effet, à l'autre extrémité du monde arabe, une jeune militante yéménite a annoncé sur sa page Facebook avoir donné le prénom Kaïs Saïed à son bébé, qui venait de naître quand le résultat de l'élection présidentielle tunisienne a été annoncé.

Saddam 

Même si on ignore forcément tout encore de la politique du nouveau président tunisien ou de la trace qu’il laissera dans l’histoire, le prénom de l’homme tranquille à la personnalité atypique et sympathique ne devrait pas être un handicap à vie pour les petits nés la semaine dernière. C’est que la manie des parents arabes de prénommer leurs bébés du nom de leaders populaires du moment n’est pas une nouveauté, et certains sont très lourds à porter des années plus tard. Va encore pour les innombrables Nasser, Abdelnasser ou Gamal, nés dans les années 50-60 aux quatre coins du monde arabe pour célébrer celui le président égyptien Gamal Abdel Nasser, héros de l’époque du panarabisme triomphant. Bien plus lourd est le prénom de Saddam donné à des centaines d’enfants nés dans les années 90-2000, quand l’ancien dictateur irakien se présentait en nouveau libérateur du monde arabe, défiant Israël et les Etats-Unis qui ont fini par le renverser en dévastant son pays.

Islamopanique

La question des prénoms choisis par les parents arabes pour leur progéniture s'est aussi posée de façon moins anecdotique et bien plus inquiétante en France ces dernières semaines. «Les prénoms arabes ont progressé de 1 à 18% depuis 1960» parmi les nouveau-nés en France se sont alarmées plusieurs publications ; distillant l'islamopanique. Il s'agissait d'une des révélations d'une enquête de Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'Ifop, publiée dans son livre l'Archipel français. «C'est le signe qu'en France, le communautarisme est de plus en plus fort avec notamment une séparation entre les classes sociales qui est bien plus prononcée aujourd'hui», lit-on dans Valeurs actuelles. Sans même chercher à défendre le droit des parents de choisir les prénoms qu'ils veulent, l'argument statistique ne dit pas, surtout, qu'il y avait tout simplement cinq fois moins de nouveau-nés de parents arabes en France en 1960.