Le raid contre la planque d'Oussama ben Laden, le 2 mai 2011 à Abbottabad, dans le nord du Pakistan, avait popularisé les Navy Seals, l'unité des forces spéciales américaines, jusque-là très secrète. Contre Al-Baghdadi, l'armée américaine a envoyé la force Delta, autre unité dédiée aux missions spéciales. Donald Trump ne l'a pas nommée lorsqu'il a pris la parole dimanche pour annoncer officiellement la mort du chef de l'Etat islamique. Il a rendu hommage aux «excellents combattants» américains qui ont mené le raid à bord de huit hélicoptères. Aucun n'a été blessé - seul un chien d'attaque a été touché. Entre 50 et 70 militaires auraient participé au raid. La force Delta, comme les Navy Seals, relève du Joint Special Operations Command (JSOC), composante du commandement aux opérations spéciales chargée des missions les plus sensibles. Le New York Times affirme que le commandant adjoint du JSOC, le général John W. Brennan Jr., a supervisé la mission contre Al-Baghdadi. Tout ce qui concerne ces unités est classifié. Même lorsque ces «opérateurs» meurent au combat, leur unité de rattachement n'est pas précisée.
Créée en 1977 et basée à Fort Bragg, en Caroline du Nord, la force Delta a été pensée sur le modèle des SAS britanniques pour mener des opérations coup-de-poing partout sur le globe, avec un très faible préavis et dans la plus grande discrétion. La première mission des Delta fut un échec : il s'agissait de libérer les diplomates américains pris en otages par des étudiants iraniens à Téhéran, le 4 novembre 1979. Une tempête de sable aura raison de l'opération. Depuis, Washington a déployé ces troupes d'élite dans à peu près tous les conflits et zones de crise, notamment en Somalie où six hommes ont été tués en 1993 lors de la bataille rapportée dans la Chute du faucon noir. Mais aussi pour des missions plus barbouzardes, comme en Amérique centrale dans les années 80, ou encore en Colombie contre les cartels. Depuis 1991, la force Delta est «au cœur des guerres successives de l'Amérique en Irak», écrit le Washington Post, dans une enquête parue en 2015. Les Delta y étaient lors de la première guerre du Golfe, puis en 2003 lors de l'invasion décidée par George W. Bush. Dans ses mémoires, le général Stanley McChrystal, ex-commandant du JSOC, raconte avoir fait des Delta une pièce centrale de la guerre antiterroriste et de l'occupation.
La force a participé à la chasse à l’homme contre Abou Moussab al-Zarqaoui, chef d’Al-Qaeda en Irak, qui deviendra l’EI. Après leur retrait en 2011, les Delta sont de nouveau déployés en 2014, cette fois pour lutter contre l’EI qui venait de conquérir Mossoul. Le QG est installé à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, et ses missions consistent surtout à traquer et tuer des chefs terroristes, ainsi qu’à secourir des otages. Le 3 juillet 2014, l’armée américaine a ainsi lancé un raid pour sauver James Foley et Steven Sotloff, deux journalistes américains captifs de l’EI. Des militaires de la force Delta étaient à bord des hélicoptères Black Hawk qui se posèrent dans les environs de Raqqa. Ils n’ont jamais trouvé les deux hommes, assassinés le mois suivant par l’organisation terroriste.