C’est un grand classique du genre. Dès qu’il s’agit d’évoquer une éventuelle prochaine politique d’immigration professionnelle contrôlée, les responsables politiques français citent en exemple ces pays qui appliquent une immigration choisie. Cette fois encore, le Canada et l’Australie sont à l’honneur. Dans ses déclarations, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, aurait pu y ajouter le cas de l’Allemagne qui a adopté en début d’année une loi facilitant l’accès au marché du travail pour les étrangers extracommunautaires qualifiés.
Promesse. Le Canada est en effet le premier pays à pratiquer depuis les années 60 une politique migratoire basée sur un système à points. Afin d'être en mesure d'immigrer au Canada pour y travailler, la note minimum doit s'élever à 67 points, avec au maximum 28 points attribués pour les compétences linguistiques, 25 pour les études, 15 pour l'expérience, 12 pour l'âge, 10 pour une promesse d'embauche et 10 points pour l'adaptabilité. Certains peuvent obtenir des points supplémentaires en s'installant dans des territoires particulièrement affectés par une pénurie de main-d'œuvre, une natalité en berne, ou encore un taux de chômage bas… Des plans d'immigration sont régulièrement mis à jour par le gouvernement. Le dernier prévoit l'arrivée de plus d'un million de travailleurs jusqu'en 2021.
Depuis 2009, et à quelques exceptions près, le programme d’immigration australien est calqué sur celui du Canada. Impossible aux candidats travailleurs étrangers de décrocher un droit d’entrée sans avoir obtenu un minimum de 60 points : 30 points maximum sont accordés en fonction de l’âge, 20 pour la maîtrise de l’anglais, 20 pour le niveau d’études, 15 pour l’expérience professionnelle dans un emploi similaire à celui demandé, en Australie ou à l’étranger, et 5 à 10 points pour d’autres facteurs, dont les compétences de son conjoint ou concubin.
Le gouvernement conservateur australien privilégie de plus en plus les candidats disposant déjà d’une promesse d’embauche. Quant aux employeurs délivrant ces fameuses promesses, il leur faut justifier qu’ils n’ont pas réussi à pourvoir le poste à un Australien. A ce système, Canberra a ajouté une ligne dure à l’égard des clandestins. Ainsi, les bateaux de migrants originaires le plus souvent d’Afghanistan, du Sri Lanka ou du Moyen-Orient sont systématiquement refoulés par la marine australienne. De quoi séduire la patronne du RN, Marine Le Pen, le nationaliste britannique anti-immigration Nigel Farage ou encore de l’ex-ministre d’extrême droite italien Matteo Salvini.
Tremplin. L'Allemagne a mis des années avant d'admettre qu'elle était un pays d'immigration - en témoigne notamment le statut ambigu de «travailleur invité» qui, dans les années 50 à 70, invitait notamment les Turcs à quitter l'Allemagne après avoir participé au Wirtschaftswunder («miracle économique»). Depuis, deux événements ont dessiné les politiques actuelles en la matière. L'arrivée d'environ un million de réfugiés en 2015, dont l'extrême droite s'est servie comme tremplin, a crispé les conservateurs de la CDU-CSU autour du sujet, sachant que le ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer (CSU), considère que «l'immigration est la mère de tous les problèmes». Mais il y a aussi la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, estimée à 1,2 million d'emplois. L'Allemagne manque en effet de travailleurs, notamment dans le domaine de la santé et de l'informatique.
En réponse, le pays a durci la loi en facilitant les expulsions vers leur pays d'origine des migrants qui n'ont plus de titre de séjour. D'autre part, il s'est doté d'une loi sur l'immigration «choisie», permettant notamment aux migrants qualifiés d'arriver en Allemagne sans contrat d'embauche pour une durée de six mois, si tant est qu'ils subviennent à leurs besoins et qu'ils parlent un minimum l'allemand. Le tout entrera en vigueur le 1er mars 2020.