La saga WeWork est une fable moderne, la réécriture version nouveau monde du Renard et le Bouc, contée par Esope et reprise par La Fontaine. Dans le rôle du goupil, Adam Neumann, charismatique boss de la start-up WeWork. Skateur à la cool et baratineur sans égal, le trentenaire entreprenant tourne aussi au culot : un carburant nécessaire aux entreprises visionnaires mais aussi l'essence de la tartufferie et des grandes escroqueries. L'idée géniale de Neumann ? Vendre en mode néotech le principe simple et ancien de la colocation : en quelques années, il a réussi à faire passer l'idée de partager des bureaux pour le nec plus ultra des conditions de travail moderne, grâce à une déco aux couleurs hype de chez hype et pseudo esprit «tech». Malin, à l'image de son créateur. Le mirage a séduit des cohortes de travailleurs indépendants, nourris de l'illusion d'une communauté-réseau partageant les coûts mais aussi des valeurs communes. Il attire aussi rapidement des investisseurs, la valorisation de la licorne explosant rapidement les plafonds jusqu'à friser les 50 milliards de dollars (45 milliards d'euros). Plutôt efficace pour une activité dont le principe constant est de coûter plus qu'elle ne rapporte. En 2018, l'entreprise comptabilisait 1,9 milliard de dollars de pertes, un montant supérieur à son chiffre d'affaires. Il faut reconnaître à Neumann le talent d'avoir transformé, pour son plein et entier profit, le vent en dollars. Heureusement, le château de cartes s'est écroulé avant que l'introduction en Bourse ne précipite dans l'abîme des milliers de petits porteurs. Les victimes ne sont pas ici des particuliers mais principalement une banque d'affaires japonaise et son patron multimilliardaire, délestés de près de 10 milliards de dollars, et à travers elle un fonds d'investissement saoudien. Neumann, lui, sort de l'affaire en milliardaire potentiel. Le renard est sorti du puits. Le bouc reste au fond.
Dans la même rubrique