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Libération
Edito

Juge

publié le 12 novembre 2019 à 20h41

Décidément, les défenses immunitaires de la démocratie américaine ne cessent de s’abaisser. En 1998, Bill Clinton a été soumis à une procédure d’impeachment votée par la Chambre des représentants républicaine pour avoir menti à propos d’une relation sexuelle consentie avec une stagiaire de la Maison Blanche, Monica Lewinsky. Le Sénat à majorité démocrate avait refusé de le destituer, mais l’affaire avait empoisonné son second mandat. Vingt ans plus tard, Donald Trump, candidat connu pour ses nombreuses relations hors mariage et, surtout, habitué du mensonge dans tous les domaines (les deux chefs d’accusation contre Clinton) a été élu, alors qu’il aurait été écarté naguère de la compétition avant même de concourir aux primaires. Il est lui aussi l’objet d’une procédure d’impeachment, non pour ses écarts sexuels ou ses mensonges, qui sont devenus monnaie courante, mais pour une tractation internationale dans laquelle il a confondu allègrement politique étrangère et cuisine électorale, ce qui est tout de même d’un autre calibre que les frasques clintoniennes.

Et pourtant, là aussi, alors même que le Président a clairement abusé de son pouvoir, on prévoit que la procédure a fort peu de chances d’aboutir, tant les élus républicains qui dominent le Sénat craignent de mécontenter leur électorat. On dira que c’est au fond la volonté du peuple, qui entend être seul juge au moment de l’élection. C’est tout le problème du populisme, aux Etats-Unis comme ailleurs : il rompt l’équilibre entre souveraineté des citoyens et règle constitutionnelle, portant la première au pinacle pour dévaloriser la seconde. Tant qu’il dispose d’un soutien populaire, Trump peut défier le contrôle juridique exercé par les magistrats et le Congrès. A moins que les auditions publiques qui commencent ce mercredi ne fassent changer le peuple d’avis. Nous en sommes loin.