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Incendies

En Australie, le feu dévore la côte Est

L'Australie en feudossier
Un million d'hectares est déjà parti en fumée et trois personnes sont mortes dans les incendies qui ravagent les régions de Sydney et Brisbane. Près de 7 000 pompiers sont mobilisés pour mettre fin à cette «situation catastrophique».
Des habitants de Nana Glen, à 600 kilomètres au nord de Sydney, regarde la progression du feu, le 12 novembre. (WILLIAM WEST/Photo William West. AFP)
publié le 13 novembre 2019 à 13h14

Trois morts, sept disparus, trois cents maisons réduites en cendres et plus d’un million d’hectares de bush partis en fumée, c’est le bilan provisoire des feux qui ravagent la côte Est de l’Australie. Disséminés sur environ mille kilomètres entre Sydney et Brisbane, les foyers d’incendie sont particulièrement étendus et menaçants au nord de l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud, où l’état d’urgence est déclaré. L’incendie est monstrueux. Hors de contrôle, il consume actuellement plus de 5 000 kilomètres carrés de forêts et de broussailles, à une courte distance des localités de Coffs Harbour et Port Macquarie, qui cumulent 60 000 habitants.

Le service d'incendie et de secours de la Nouvelle-Galles du Sud a beau être un des mieux dotés au monde avec ses 6 800 soldats du feu, épaulés par 74 000 volontaires en zone rurale, les autorités ont averti la population, lundi, qu'en raison d'une «situation catastrophique sans précédent», les secours pourraient être dans l'impossibilité d'arriver jusqu'à eux.

TOPSHOT - Photo taken on November 9, 2019 shows bushfires taken from a plane in over north eastern New South Wales. - Firefighters in eastern Australia were on November 10, 2019 assessing damage from ferocious bushfires that have devastated communities and rushing to prepare for "bad, if not worse" conditions expected to flare in the coming days. (Photo by TOM BANNIGAN / AFP)

L'étendue des foyers, le 9 novembre. Photo Tom Bannigan. AFP

Les personnes habitant près du bush sont appelées à une extrême prudence et à abandonner leur domicile si le feu progresse dans leur direction. «On n'y voit pas à cent mètres et on respire mal à cause de la fumée. Ma maison est en brique, j'espère qu'elle tiendra le coup si le feu arrive jusqu'ici. J'ai des amis qui ont abandonné leur domicile mais je préfère rester là, j'ai peur de me retrouver coincée par les flammes dans ma voiture», s'inquiète Susanna Topp, trentenaire jointe par Libération, qui vit avec son petit garçon à Bellingen, un village proche de Coffs Harbour.

Rupture de stock d’inhalateurs

Côté transport, la situation est chaotique. Des dizaines de routes secondaires ont été interdites à la circulation, et l'autoroute qui relie Sydney à Brisbane est coupée sur 80 kilomètres. Premiers commerces impactés : les pharmacies qui, comme à Taree où l'air est difficilement respirable, sont en rupture de stock d'inhalateurs, rapporte la chaîne ABC.

Après une journée de mardi épuisante pour les pompiers en raison des vents forts et des températures avoisinant les 38 degrés qui ont attisé les incendies, la tension est légèrement retombée aujourd'hui. Dans les Blue Mountains, zone critique en bordure de l'agglomération de Sydney et ses cinq millions d'habitants, la propagation des feux est «sous contrôle» selon le service d'incendie et de secours.

A Turramurra, banlieue chic à une quinzaine de kilomètres de l’Opéra de Sydney, les flammes sont venues lécher les maisons avant d’être noyées sous des tonnes de produit retardant rose vif. Les images d’une rue entière repeinte en fuchsia tournent en boucle sur les chaînes d’information.

«Délire des écolos»

Pendant ce temps, en ville, où les fumées font régner une atmosphère pesante, l'échauffement politique monte. Lundi, le vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures et des Transports Michael McCormack, s'est emporté face aux critiques visant l'impréparation du gouvernement de droite, climatosceptique. «Il y a toujours eu des feux en Australie. Ce dont les gens ont besoin, c'est d'aide et de sympathie, pas du délire des écolos des centres-villes», a-t-il lâché au micro d'ABC.

Au pays où la marche de la Global Week for Future, en septembre dernier, a rassemblé 300 000 personnes, le propos a choqué. «Je n'arrive pas à croire à ces personnes soi-disant éduquées qui nient la réalité scientifique», a répliqué Carol Sparks, une élue locale dont la maison a été endommagée par les flammes. Pour elle, la gravité des feux est directement liée au réchauffement climatique. «Il ne pleut plus. Tout est volatil parce que c'est si sec», a-t-elle rappelé.

La relative accalmie d’aujourd’hui sur le front du feu risque d’être de courte durée. Les prévisions météo pour la fin de la semaine sont mauvaises, avec des vents renforcés et des températures en hausse. De quoi faire peur alors que les services de secours, sollicités en continu, atteignent la limite de leurs forces.

Buzz et post

Mais pour l'heure, malgré les mauvaises nouvelles, les Australiens de l'Est gardent leur légendaire décontraction et leur sens de l'humour. «On a eu le plaisir de sauver votre maison, mais pas la cabane à outils, désolé. PS : on vous doit du lait», ont écrit des pompiers sur le petit mot qu'une propriétaire a retrouvé sur sa porte d'entrée.

La publication fait le buzz sur les réseaux sociaux. A Bellingen, une jeune femme enceinte dont l'accouchement est prévu sous trois jours prie pour que la route reste ouverte jusqu'à la maternité. «Pour le prénom, on hésite entre Ash (cendre en anglais) ou Phenix», rigole-t-elle.