Empêchés d'accéder au Palais présidentiel, ils se sont arrêtés à mi-chemin. Alors qu'un appel a été lancé à se rassembler à 11 heures, mercredi, l'armée a pris soin de boucler le secteur. Une centaine de manifestants sont contraints de faire halte derrière un barrage de barbelés érigés par les militaires au beau milieu de l'autoroute. «Ça fait trente jours qu'on est mobilisés. On veut un gouvernement de technocrates. », martèle Nelly, debout sur un parterre de béton.
Au lendemain de l'interview télévisée du président Michel Aoun, les contestataires ont le sentiment de ne pas avoir été entendus. Deux semaines après la démission du Premier ministre, Saad Hariri, ils réclament la création d'un cabinet de spécialistes indépendants des partis traditionnels. Mais le Président a rejeté cette option. Une phrase a suscité l'ire des manifestants. «S'ils estiment qu'il n'y a pas de personne intègre dans cet Etat, qu'ils émigrent», a lâché mardi Michel Aoun. «On ne s'attendait pas à ce discours après trente jours de mobilisation», déplore Nelly.
Quelques heures plus tard, la contestation a pris un tour violent, avec la mort de Alaa Abou Fakher, père de famille et cadre du Parti social-progressiste (PSP) du leader druze Walid Joumblatt, abattu par un militaire, alors qu’il tentait d’ériger un barrage sur la route de Khaldé, au sud de Beyrouth. C’est la première fois que l’armée, dont la retenue était jusqu’ici saluée, est impliquée dans la mort d’un civil. Cette dernière a annoncé l’ouverture d’une enquête.
Durant la journée, des bus affrétés d'autres régions du pays sont venus grossir les rangs des contestataires. Des bougies à la main, ceux-ci rendent hommage au «martyr» de la révolution tué la veille. Pour Hussein, un ingénieur, de 31 ans, il n'y a pas de retour en arrière possible : «Plus rien ne nous fait peur, on n'a rien à perdre, et ce qui se passe là est notre dernière chance de faire changer les choses.»