Menu
Libération
Chronique «A l'heure arabe»

En Irak, les hommes font leur révolution capillaire

A l'heure arabedossier
Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes.
Des manifestants se coiffent sur les lieux de résistance, à Bagdad, le 18 novembre. (ABDULLAH DHIAA AL-DEEN/Photo Abdullah Dhiaa al-Deen. REUTERS)
publié le 23 novembre 2019 à 10h41

Une fois accordé à la révolution à Bagdad tout le temps et l’attention qu’elle mérite, on ne peut passer à côté d’un autre phénomène impressionnant chez les jeunes Irakiens. Il concerne non pas ce qui se passe dans leurs têtes mais sur leurs crânes. De folles coiffures, ou plutôt des architectures se dressent sur les caboches des adolescents et des jeunes adultes, dès qu’on s’éloigne un peu des manifestants et des slogans de la place Tahrir, épicentre de la contestation dans la capitale irakienne.

Dans ce pays sans accès à la mer et dépourvu de montagnes sur la majorité de son territoire, des vagues se déchaînent et des crêtes s'élèvent sur les têtes de ses jeunes habitants. On les voit partout, dans les rues, les centres commerciaux ou les cafés, promenant fièrement leurs coupes «Spikey», selon l'appellation locale, reprenant le mot anglais pour les cheveux en brosse ou hérissés. Les pics sur la tête peuvent atteindre jusqu'à 15 centimètres de hauteur, une précieuse rallonge, pour les garçons de petite taille ou pas encore complètement grandis. D'autres modèles en pelotes plus arrondies ou crinières ondulées défient la gravité en s'élevant d'un seul côté du crâne ou se déployant en éventail.

Une mode inspirée des stars du foot

Cette mode fait le bonheur des salons de coiffure pour hommes, nettement plus nombreux et fortunés en Irak que ceux pour femmes dans un pays où 90 % d’entre elles portent le hijab. Les plus célèbres des stylistes, postent des tutoriels sur YouTube montrant les étapes des coupes puis surtout du coiffage. La tondeuse passée sur la nuque et les côtés de la tête isole sur le haut du crâne les touffes qui sont alors montées en reliefs impressionnants. Plus les cheveux sont longs et plus les figures de style peuvent être extravagantes et créatives. Pour faire tenir ces pièces montées, un ou plusieurs produits et méthodes sont utilisés, selon la nature du cheveu. Un crêpage au peigne que même nos grands-mères ne font plus est souvent nécessaire pour les cheveux fins, tandis que les sprays fixateurs et les gels sont indispensables pour tous.

Difficile de savoir l’origine de cette mode rarement vue ailleurs, y compris dans d’autres pays arabes. L’inspiration viendrait de certaines stars internationales du foot, notamment l’ancien joueur britannique David Beckham. Mais la démesure dans l’imitation en a fait ces quelques dernières années une spécialité locale irakienne. Celle-ci survivra-t-elle toutefois aux événements décoiffants qui agitent le pays depuis plusieurs semaines ? On peut en douter car les jeunes contestataires irakiens se font remarquer par des moyens beaucoup plus constructifs que la hauteur de leurs coiffures.