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Libération
Royaume-Uni

Boris Johnson lance son manifeste : moi, le Brexit ou rien

A deux semaines et demie des élections générales, le chef des conservateurs a présenté un programme relativement modeste, dont le principal enjeu reste le Brexit.
Boris Johnson et son manifeste, dimanche. (Phil Noble/Photo Phil Noble. Reuters)
publié le 24 novembre 2019 à 19h38

Dans la bouche de Boris Johnson, le Brexit est devenu une «chose qu'il faut faire», «un plat pré-cuit qu'il n'y a plus qu'à mettre au four», un machin franchement indéfinissable mais qu'il faut absolument embrasser. Pour mieux l'oublier ensuite et «permettre au pays d'avancer». Comment ? Vers où ? De quelle manière ? Le dirigeant du Parti conservateur n'a pas tenté d'apporter un début de réponse à ces questions lors du lancement dimanche de son manifeste électoral. Tout juste a-t-il répété qu'il suffit de «get Brexit done» (concrétiser le Brexit) pour «libérer le formidable potentiel de notre pays»«Get Brexit done» et tout ira mieux : la confiance des investisseurs, l'économie, les profondes divisions du pays qui disparaîtront immédiatement, c'est sûr. «Notre pays a un avenir merveilleux devant lui», a-t-il dit et redit.

Depuis la ville industrielle de Telford dans les West Midlands (nord-ouest de l’Angleterre), Boris Johnson a répété que le Brexit était le seul véritable enjeu de cette campagne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a choisi cette circonscription, bastion Labour traditionnel enlevé par les conservateurs en 2015 avec une minuscule majorité. Aujourd’hui, la députée tory Lucy Allan y défend son siège et ses 720 voix d’avance. Au référendum de 2016, Telford avait voté à 63,2% pour Leave. Boris Johnson a besoin de ce siège pour réaliser son objectif.

«L’indécision de Jeremy Corbyn»

Si, à l'issue du scrutin le 12 décembre, le Parti conservateur emporte une majorité absolue, le Royaume-Uni «sortira de l'Union européenne le 31 janvier 2020», a-t-il dit, promettant de faire voter son accord de retrait par le Parlement avant le 25 décembre. Mais si le résultat n'est pas clair, si aucun parti n'obtient de majorité, alors tout reste ouvert. Et aussi «flou et incertain», a-t-il ajouté en raillant l'indécision du chef du Labour, Jeremy Corbyn, autour du Brexit. Ce dernier a promis de négocier un nouvel accord de sortie de l'UE et de le soumettre à un référendum avec comme autre option de rester dans l'UE. Mais personnellement, il s'est engagé à rester «neutre» sur la question. «Nous sommes habitués à l'indécision de Jeremy Corbyn, mais maintenant il n'est même plus vraiment sûr de son indécision», a lancé Boris Johnson devant un public hilare et tout acquis à sa cause.

A deux semaines et demie de l’élection, le parti tory reste en tête des intentions de vote, avec une marge de 10 à 13 points (et environ 40% des voix) devant le Labour. Avec ce résultat, Boris Johnson pourrait espérer une majorité d’au moins 48 voix. Aucun autre scénario en cours ne donne le Labour vainqueur. En revanche, si les conservateurs n’arrivaient pas à franchir le seuil des 326 sièges pour une majorité, les travaillistes pourraient envisager une coalition avec les Ecossais du Scottish National Party (SNP).

Des promesses finalement assez modestes

Il ne parlait pas depuis deux minutes que Boris Johnson critiquait tous les autres partis qui cherchent à «ne pas honorer le résultat du référendum de 2016». Effectivement, le Parti conservateur est aujourd'hui le seul parti britannique ouvertement et catégoriquement en faveur de la sortie de l'Union européenne. Un sondage BMG Research publié dimanche affirmait que 54% des Britanniques préféreraient rester membres de l'UE. Mais pour les conservateurs, et peut-être pour une bonne partie de la population, quelle que soit la manière dont elle a voté, la tentation est grande d'en finir une bonne fois pour toutes avec les discussions autour du Brexit, non pas en l'annulant, mais en le réalisant le plus vite possible et donc en votant pour les conservateurs. C'est le pari de Boris Johnson, d'où un manifeste électoral plutôt mince (59 pages et beaucoup de photos) et des promesses finalement assez modestes, notamment en comparaison avec l'agenda radical des travaillistes. Ces derniers ont promis un programme de dépenses massif associées à la nationalisation du rail, de l'eau et de British Telecom et à des hausses des impôts pour les plus riches.

Côté conservateur, il n’y aura pas de hausse d’impôts sur le revenu, pas d’augmentation des contributions sociales ni de la TVA, a promis Boris Johnson. Les dépenses publiques supplémentaires seront à hauteur de 2,9 milliards de livres (3,38 milliards d’euros) par an pendant les prochaines cinq années. En comparaison, le Labour a promis de dépenser 83 milliards (96,6 milliards d’euros) par an ! Après neuf ans d’austérité et de coupes budgétaires dans tous les secteurs, le desserrement des cordons de la bourse de l’Etat n’a finalement rien d’étonnant. Le recrutement de 20 000 policiers supplémentaires promis par Boris Johnson ne compensera même pas les 20 500 postes supprimés ces dernières années. Tout comme celui de 50 000 infirmières supplémentaires, alors que le service de santé public (National Health Service) souffre d’un manque chronique de personnel, dont une part importante composée… d’étrangers et notamment des citoyens européens. Ces derniers, post-Brexit, seront soumis à un nouveau système d’immigration à points, copié sur le modèle australien.

Boris Johnson est en tête des sondages, mais la répétition de ses attaques contre Jeremy Corbyn montre qu’il craint encore un renversement de tendance. Ce qui s’était produit en 2017 pour Theresa May, qui, avec une avance de vingt points au début de la campagne, avait réussi à perdre sa majorité.